On était le 17 juillet 2013…

Depuis le mois de décembre 2012 environ, j’avais des épisodes de constipation occasionnelle…

Depuis avril de très fortes douleurs m’empêchent parfois de marcher normalement. En mai je consulte mon médecin qui SENT une MASSE dans mon côlon gauche et me donne alors 8 sachets de laxatifs par jour à avaler… qui ne font aucun effet. Mais je suis en première année de master dans une grande école à Paris et je travaille 20h par semaine en plus pour payer les factures alors je ne retourne pas voir le médecin, persuadée que tout cela va s’arrêter… Fin mai je me tords de douleur sur ma chaise en attendant de passer mon oral de finances publiques, j’ai les larmes aux yeux…

En juillet je commence un stage de six mois mais très vite rien ne va plus. Vers le 15 juillet je ne parviens plus à manger, mon transit est complètement arrêté, je ne mange plus que de la glace à la framboise !! Je me sens mal… Le 17 je parviens, après une heure de transports en commun, à aller à mon stage, mais je rentre aussitôt, je me sens si mal…

Je vais voir le médecin qui me dit « oui c’est vrai que ça va pas, ça doit être une petite sub-occlusion intestinale, allez aux urgences, dans le doute »… Heureusement que mon copain était avec moi, mes parents habitant à 130 km. A peine sortie je vomis sur le trottoir, tu parles d’une petite sub-occlusion, je suis carrément en occlusion oui !! Et là je prends le métro pour aller jusqu’à l’hôpital, je ne sais même pas comment j’ai fait.

Il est environ 17h, je suis prise en urgence. Au début, médecins plutôt rassurants, « Ne vous inquiétez pas on va vous débloquer ça très vite… » Sauf que le scanner fait ce jour-là montre une grosse masse dans le côlon, et que, après deux heures d’attente qui paraissent interminables, la nouvelle tombe: « on n’en est pas sûrs mais c’est probablement un cancer… »

Le choc, j’ai 22 ans…. Mais aussi bizarre que cela puisse paraître, ma principale inquiétude concerne la « poche » ou « anus artificiel », que l’on va me poser… En fait je ne digère pas vraiment la nouvelle, je ne pleure pas.

Je suis transportée vers minuit à Cochin pour y être opérée en urgence, afin de lever l’occlusion… Je me réveille en salle de réveil, et j’aperçois mes parents, arrivés en trombe, prévenus par mon copain. La coloscopie réalisée le lendemain montre bien une tumeur, dont les médecins sont quasiment sûrs qu’elle est cancéreuse. Je suis opérée de nouveau le 22 juillet, jour où ma petit soeur fête ses 13 ans…

Je m’en veux tellement pour le mal que je fais à ma famille et à mon copain. ils ne me l’ont pas montré mais ils sont effondrés par la nouvelle, bien plus que je ne l’étais à ce moment-là, car je me battais tellement avec les douleurs , si fortes, que je ne pensais pas aux conséquences que ce cancer allait avoir sur ma vie.

J’ai eu tout de même la chance que le chirurgien rétablisse tout de suite la continuité de mon côlon, donc 4 jours de poche, mais 4 jours de trop….

Le 29 je sors de l’hôpital. Je me remets plutôt vite. Je pars même en vacances à Saint Malo trois semaines plus tard. La chimio commence le 26 août. 8 injections espacées de trois semaines, avec deux semaines de comprimés à prendre. J’ai de la chance, je garde mes cheveux, et surtout je reprends mon stage. Je travaille 37.5h par semaine, et cette reprise me rend tellement heureuse !

Je ne rate que le jour et le jour qui suit la chimio. Je sais que j’ai de la chance, même si parfois c’est très dur. En janvier j’ai repris les cours pour mon dernier semestre, dans quelques semaines je serai diplômée et je chercherai du travail…. Je continue à travailler parallèlement mes études, mais j’ai réduit le rythme à 12h/ semaine.

Bien sûr j’ai peur. Pour l’instant j’arrive à tout faire mais je pleure tous les jours. En cours je suis souriante et bonne élève, mais chez moi il m’arrive de m’effondrer.

Aujourd’hui je voulais témoigner car je ne trouve aucun témoignage de jeunes filles de mon âge atteintes du cancer du côlon…. Alors je lis ceux de personnes atteintes de cancer du sein, plus fréquents, car nous partageons les mêmes doutes sur l’avenir, le projet professionnel, la stérilité… Je me sens seule avec toutes mes interrogations, avec cette cicatrice de 20 cm qui me barre le ventre… J’ai l’impression d’en avoir une encore plus grande dans le coeur.

Dans une semaine, je vais fêter mes 23 ans, mais cette année je les fête avec la peur dans le ventre, malgré la rémission. Car malheureusement j’ai vu ma grand-mère mourir de ce cancer à 73 ans, en novembre 2008, après un an et demi de combat. J’ai vu la lente agonie, la vie qui quitte progressivement le corps, des images que je n’oublierai jamais…

Je vous souhaite beaucoup de courage, à vous qui vous battez contre le cancer, quel qu’il soit…