« De plus belle » aborde le sujet de la féminité, de la confiance en soi à travers la thématique du cancer. Anne-Gaëlle Daval, réalisatrice et metteur en scène du film a accepté de répondre aux questions de Chaîne Rose.

 

Votre film parle de la féminité et de la confiance en soi en général. Comment vous est venue l’idée de traiter le sujet à travers le cancer ?

  "Le cancer du sein est majoritairement une maladie de femmes. À travers ce problème-là, ressort tout le problème de la féminité : qu’est-ce qu'une femme ? Est-on réduite à avoir des seins ou pas ? C’était un peu l’idée de départ."  

Nous avons trouvé ce film très réaliste. Avez-vous eu une personne concernée par le cancer dans votre entourage ? Avez-vous vous-même vécu la maladie en tant que proche ?

  "Au début ça a été un peu compliqué. Oui, dans ma famille il y a eu des cancers du sein, mais moi-même je n’en ai pas eu. J’ai longtemps hésité avant de parler d’une chose qui est si dure et par laquelle je n’étais pas directement concernée. C’est une question que je me suis longtemps posée, et puis après je me suis dit qu’on avait le droit de parler de ce qu’on voulait, tout en étant le plus humain possible dans la manière d’aborder les choses.   Après, je suis moi-même concernée par la maladie, je sais ce que c’est que d’être malade, car je suis diabétique. Je sais ce que sont les séjours hospitaliers et l’environnement qui va avec.  
Et je sais surtout ce que c’est que d’être extrêmement bien entourée pendant un temps, et puis de rentrer chez soi et de se débrouiller toute seule avec sa maladie.
  Pour le cancer du sein, je sais que je n’ai pas eu envie d’aller chercher des témoignages de personnes qui avaient été elles-mêmes atteintes d’un cancer. Je trouvais ça trop intrusif. Par contre, j’ai beaucoup lu sur Chaîne Rose, des blogs… Je me suis beaucoup renseignée sur ce que ça faisait du point de vue de la personne malade, sur son ressenti."  

Pour les autres personnages de votre film, vu que dans votre famille il y a eu des cancers du sein, est-ce que vous vous êtes basée sur votre propre vécu ?

  "Non les autres personnages sont vraiment des personnages fictifs. Pour eux, je me suis dit « Comment réagirait ma famille dans cette situation-là ? »   Je le vois bien qu’être malade est extrêmement compliqué pour la famille. J’ai une maladie qui est compliquée, et je sais que pour ma famille c’est très dur. Dans ces cas-là, il y a toutes formes de réactions possibles  
À partir du moment où on arrive à la fin de la maladie, tout le monde revient à sa vie d’avant et c’est une période qui est vraiment difficile à vivre pour tout le monde. On se sent un petit peu abandonné avec l’injonction de devoir passer à autre chose, alors qu’en fait on ne peut pas passer à autre chose.
  Il y a vraiment un avant la maladie et un après la maladie. Et c’est dans la vie d’après qu’il faut se réinventer complètement quand on a eu un drame comme ça dans sa vie. Il faut aussi accepter l’injustice de la maladie et en faire une force mais ça, c’est un travail qui est difficile à faire."  

Aujourd’hui, le cancer reste encore un sujet tabou. Qu’est-ce que vous pensez du fait que votre film aborde cette thématique ?

  Lorsque j’ai fait ce film, j’ai fait attention à en parler le mieux possible parce que justement je n’en ai pas eu un, mais je n’ai pas eu cette impression de briser véritablement un tabou. Pour moi il y a des tabous qui sont bien plus forts que celui du cancer du sein qui me paraît être une maladie complètement admise quand on commence à avoir 40 ans comme moi et qu’on sait très bien qu’il va falloir y passer et qu’on risque d’y passer.  
Le cancer fait peur mais je ne trouve pas que ce soit un tabou d’en parler.
  De toute façon une personne malade c’est quelque chose de dur à gérer et je trouve que les médecins ne savent pas par quelles étapes on passe. Par exemple vis-à-vis de mes diabétologues, j’ai envie de leur dire « vous ne savez pas ce qu’on traverse, vous ne savez pas ce qu’on a dans le corps, vous ne savez pas ce que ça fait sur nous, ce que ça fait sur notre fatigue, sur nos pensées. Je pense que les médecins qui traitent des maladies devraient eux-mêmes avoir la maladie pour en parler bien. Tant qu’on est pas malade on ne peut pas savoir ce que c’est."  

Qu’est-ce que vous avez eu envie de faire passer comme message aux femmes ?

  "Chaque personne gère sa maladie et son corps différemment.  
Ce que je trouve essentiel, et ce que je voulais dire aux femmes et aux jeunes filles surtout c’est qu’un corps reste un corps. Il faut apprendre à le regarder justement pour l’accepter et pour accepter tout ce qu’il va subir pendant une vie, les transformations, les modifications...
  Plus on gère qui on est, plus on est à même de gérer la suite. C’était ça l’apprentissage du film. C’est de dire bon, on est ce qu’on est et il va quand même falloir faire sa vie avec !   Il y a un point de départ qui est commun à toutes les femmes, tous les hommes et individus je pense : c’est de s’accepter. Sans ça, toutes les épreuves et la maladie notamment, sont encore plus dures à gérer. Si on ne s’est pas accepté avant qu’arrive la maladie, on voit ça arriver comme une « super bombe » parce qu’on a ça aussi à gérer en plus. Alors que si on l’a fait avant, et bien c’est plus simple.   Pour ma part, la maladie m’a permis de comprendre que j’avais un corps, que c’était une machine et qu’il fallait s’en occuper et qu’il fallait l’aimer comme le reste. C’est vraiment la maladie qui m’a imposée ça, et je pense que pour beaucoup d’autres personnes malades c’est le cas aussi.   De toute façon on aura pas un autre visage, ni un autre corps donc à partir de là je pense qu’il faut à un moment donné s’accepter tel que l’on est, même si ce n’est pas un exercice facile. C’est comme le fait de se regarder tout le temps dans le miroir, c’est un problème ! Il faudrait arriver à avoir suffisamment confiance pour ne plus se regarder, que notre reflet ne soit plus un problème."  

Que diriez-vous à notre communauté qui peut-être confrontée à une perte de confiance en soi, de leur féminité ?

 
Je leur dirais que la féminité ne s’arrête pas au fait d’avoir des seins et des cheveux. Qu’un individu ne s’arrête surtout pas à sa maladie et ne doit pas se nommer par sa maladie.
  Une femme, même malade, reste la même qu’avant. Elle reste la petite fille qu’elle a été. Ne jamais s’étiqueter « malade du cancer », il faut essayer de continuer à vivre. C’est une période de la vie où on nous dit « il faut que tu prennes soin de toi ». La maladie c’est un vrai moment de réflexion sur soi-même, sur son corps. Le but de la maladie c’est de commencer à être indulgent envers soi-même et s’aimer soi-même. Et puis les seins et les cheveux c’est pas grave ça, on s’en fout de ça.   Quand on est malade on reprend une vie plus lente, on ralentit le rythme ça nous fait réfléchir sur soi. Je trouve ça horrible qu’on dise aux personnes malades quand elles sont guéries « profites de la vie ». Personne ne sait comment profiter de la vie en fait. Finalement la vie ne change pas tellement, le quotidien ne change pas et on a cette injonction de devoir en profiter alors qu’on ne sait pas comment et on culpabilise.   Le quotidien ne change pas suffisamment radicalement pour qu’on puisse dire "je vais tout changer". Une fois qu’on est guéri le quotidien redevient comme il était avant, sauf que nous, on est changé dans ce quotidien-là. Et ce quotidien, il ne devient pas mieux après la maladie qu’avant la maladie."  
Je pense qu’il faut au contraire ralentir sa vie, s’écouter et s’apprécier.
 

Si vous n’êtes pas encore allés voir « De plus belle », ne manquez pas ce film, fait par des femmes pour des femmes, et surtout qui fait du bien !