44 ans cancer du sein métastatique décelé fin 2011.

Mardi 15 novembre : pose du port-à-cath. Je vois le chirurgien vers 19.00. Quand je lui demande les résultats du petscan (rien au scanner cérébral), il m’annonce des tâches sur les poumons et les vertèbres. Là je ne peux pas m’empêcher de pleurer. Pour moi cela signifie cancer généralisé et mort à court terme. Je ne peux pas mourir. Je ne peux pas faire ça à mes enfants. Depuis le début, je me moque de mourir pour moi. Il me fait asseoir. Me dit que c’est petit, de ne pas hésiter à prendre un RV avec lui de nouveau comme je viens de subir une anesthésie, pour que tout soit clair dans ma tête, que je ne reste pas avec des questions en suspens. J’acquiesce. J’ai pu me contenir, ne pas pleurer devant les enfants.

Mercredi 16 novembre : au lever, j’avais mal et là je n’ai pas pu m’en empêcher mettant cela sur le compte de la douleur. Mon compagnon a finalement passé le mercredi avec nous.

J’ai revu le chirurgien le lundi 21novembre. Mes idées étaient claires. Ses réponses aussi. J’ai un cancer du sein avec une évolution métastatique : 3 petites tâches sur le poumon plus sur une vertèbre. La chimio doit tout nettoyer. Il faudra peut-être faire une petite intervention sur l’os.

Pourquoi ai-je eu un petscan ? Par rapport aux résultats de la biopsie ? On le fait toujours ? Réponse du chirurgien : « C’est le moyen technique le plus précis pour déceler des anomalies dans le reste du corps ». Je lui dis que je déteste les blogs mais qu’en faisant des recherches sur un titre de livre, je suis tombée sur une phrase du style « on m’a diagnostiqué un cancer de type machin, au stade truc. Et moi à quel stade suis-je ? ». Le Dr : « stade 4 » Moi « Et cela va jusqu’à combien ? » 4. Il précise que cela dépend de la taille de la tumeur, du nombre de métastases, de l’atteinte des ganglions.

Mais je n’ai pas osé prononcer les mots de mort, de cancer généralisé. Depuis l’annonce des métastases, c’est ce que j’avais à l’esprit. Et si je devais mourir rapidement, je voulais pouvoir choisir comment passer mes derniers jours avec mes enfants.Il me laisse très peu d’espoir de garder mon sein. Il m’a encore assuré qu’il était tout à fait disposé à écouter toutes mes questions, que je n’hésite pas à prendre un nouveau RV si j’avais des doutes.

Tout le monde autour de moi est surpris de la vitesse à laquelle s’est développé ce cancer, personne ne connaissait l’existence de ce HER et pourtant mes proches sont des gens cultivés, qui se tiennent au courant de l’actualité mais personne ne prend la peine de se pencher sur ce problème. Pas le temps, pas envie. Conseillé à tout le monde de consulter immédiatement, dès que quelque chose parait anormal.

Vendredi 25 novembre : 1er RV avec le chimiothérapeuthe. Visite très rapide, un peu déconcertante. Il confirme le traitement : Le traitement sera donc hebdomadaire et durera 3 mois. J’ai un cancer du sein virulent, qui a attaqué les ¾ de mon sein droit ainsi que des ganglions sous le bras, le poumon et une vertèbre. Il me parle encore des effets secondaires, chute de cheveux peu rapide. Avec mon compagnon, on reste sur notre faim. Cela ne sera pas facile de lui poser des questions mais on a confiance. On comprend enfin comment marche le traitement ciblé.

Le mercredi 29 : RV avec les infirmiers qui expliquent le traitement, les effets secondaires, présentent le service.

Jeudi 1er décembre : 1er passage de la thérapie ciblée. RAS

Vendredi 2 : chimiothérapie. RAS. Pas de nausée, rien juste la fatigue intense l’après-midi.

Mercredi 7 décembre : demain j’attaque la 2ème séance de chimio. La semaine passée, RAS côté santé.

Vendredi 9 décembre2nde chimio. RAS. A part une infirmière qui m’a mise en rogne en me parlant à la 3ème personne et en + pour me reprocher de n’avoir pas appelé assez tôt alors que la poche venait à peine de se terminer. Je ne supporte pas ça, la façon dont on parle aux vieux ou aux malades comme si on était idiots. Les trajets en VSL risquent d’être difficiles aussi : je n’ai pas toujours envie d’entretenir la conversation.

Jeudi 5 janvier 2012J’ai profité du retard pris dans les RV ce jour-là pour voir l’oncologue. Je n’osais pas trop demander à le voir mais au fur à mesure du traitement, les secrétaires de l’accueil me poseront la question. En fait cela faisait quelques temps que je recommençais à me poser des questions sur mes chances de survie. J’ai même pensé qu’ils me donnaient un placebo tellement je supportais bien la chimio. Pas de nausées juste un épuisement total après la séance -l’impression d’être dans un état cotonneux- et besoin de faire la sieste tous les jours. Sans ça je le payais les jours suivants. Le matin cela allait. Je lui ai exposé comment je supportais le traitement, les modifications du sein, plus souple.

Là encore je n’ai pas été directe. Mais j’ai demandé si mon traitement visait la rémission ou tentait seulement de prolonger ma vie puisque j’ai un cancer de grade 4 avec des métastases. Il a été catégorique parlant de guérison.

J’ai de nouveau demandé comment on pouvait passer de zéro à 4 en 4-5 mois, si c’était courant. Il m’a expliqué de nouveau que c’était dû à la présence du gène HER2, accélérateur de croissance.Je lui ai demandé ce qu’il pensait des oméga 3. J’avais vu mon homéopathe début décembre car j’étais suivie en raison de mes rhumes à répétitions. Mais en allant vérifier le labo qu’elle m’indiquait, j’étais tombée sur un article disant que cela pouvait nuire à l’efficacité de la chimio en protégeant les cellules cancéreuses comme les saines. Il était au courant de l’article, pensait que sur une longue période, 6 mois, cela pouvait peut-être diminuer en effet son efficacité mais il n’était pas spécialiste et ne pouvait se prononcer avec certitude. J’allais continuer à me nourrir donc de façon diversifiée.Je lui ai enfin demandé quelle serait la durée du traitement après l’opération. Il a annoncé que je devrais continuer la thérapie ciblée pendant 1 an mais toutes les 3 semaines. Je suis repartie gonflée à bloc.

Suite du parcoursFinalement, j’ai eu un bilan fin février. Les métastases avaient disparues. Je réponds très bien au traitement.J’ai suivi une série de séances de réflexologie plantaire : agréable et cela m’a redonné de l’énergie. Mastectomie fin juin. Pas de grosses douleurs, ça va. Seul problème une petite anémie. J’accepte la mutilation. Je récupère tout juillet. Séances de kinésithérapie : mobilisation du bras et drainage lymphatique. Petite déprime en août avec la canicule à ne pas pouvoir mettre des débardeurs.

Je vais commencer les rayons en septembre. Mais ça les rayons, ils ne m’en ont parlé qu’en mai ! Toujours petit à petit pour ne pas écraser le patient mais moi j’aime bien prévoir même si par la force des choses il va bien falloir que je m’habitue à subir…

J’ai trouvé beaucoup de réponses sur le forum des Impatientes. Les médecins n’aiment pas trop que l’on se renseigne mais ils ont tort ! Il ne s’agit pas de contester leur savoir, leur diagnostic. Juste de compléter nos connaissances parce qu’ils n’ont pas forcément le temps de nous informer de tout, parce qu’ils oublient ou ne veulent pas dire, parce qu’on n’ose pas les déranger avec nos questions.

Le plus dur à vivre : les incertitudesJ’ai eu beaucoup de chance : j’ai très bien supporté mon traitement peut-être parce que je l’acceptais bien.Mais je vis, je respire cancer. Pas une journée, pas une heure sans que j’y pense quoi que je fasse. Je ris et vlan je m’étonne de rire dans ma situation. Le cancer m’a rattrapée.S’il n’y avait pas les métastases, tout serait différent. Mais là contrairement à ce que m’a dit l’oncologue le 5 janvier (je comprends sa position, c’est vrai qu’à ce moment-là j’avais besoin d’espoir pour supporter le traitement), non je ne vais pas guérir. Mon gynécologue m’avait dit quand je lui avais parlé des métastases qu’il fallait que j’envisage cela comme une maladie chronique.

Je m’étais dit d’accord, je ne pourrais plus vivre comme avant, prévoir mais je vivrais. Maintenant je sais que non. Je vais vivre mais pas longtemps. Je ne serai jamais vieille, jamais grand-mère. Mais je voulais me battre, tout faire pour vivre le plus longtemps possible.

Mon chirurgien m’a complètement déprimée lors du dernier RV. Pour lui aucune étude valide quant aux effets positifs de tel aliment par ex. La seule chose qu’il puisse me conseiller : pas de tabac, limiter l’alcool, faire de l’exercice et réduire le stress. Vivre avec ce cancer en arrêtant la thérapie ciblée fin novembre car rien ne prouve que la poursuite du traitement est bénéfique. Cela me panique. Plusieurs patientes du forum vivent en prenant une thérapie ciblée depuis plusieurs années alors… ? et réduire le stress…il est incapable de me dire combien de temps mettront les métastases à repartir après la fin des traitements.

J’ai lu la brochure d’Europadonna sur le cancer du sein métastatique, enfin c’est clair.Façon de parler, c’est clair en général mais moi, comment je vais vivre ce cancer pendant les mois, les années qui viennent ? Qu’est-ce qui m’attend ? Quelles douleurs ? Quels traitements ? Combien de récidives ? Comment sait-on que l’on va mourir ? Quand ? Par quels stades je vais passer ? Comment la fin commence-t-elle ? Une patiente du forum est partie en 1 mois ! J’étais effondrée.Moi, je voudrais pouvoir préparer mon départ. J’ai des choses à transmettre à mes enfants, à mes proches.

Et l’on est SEUL !Même les onco-psychologues sont à côté de la plaque à vouloir vous faire parler de tout sauf de ce qui vous préoccupe vraiment : votre futur raccourci, la mort, comment partir…à se demander qu’elle formation ils ont et quelles connaissances du cancer ils ont.

L’on est seul parce que personne ne veut entendre la vérité. Tout le monde veut croire que « Le plus dur est passé » (la chimio, la mastectomie, les rayons…), tout le monde est rassuré de voir que « Tu as bonne mine » (je n’ai pas perdu mes cheveux), tout le monde veut croire que « Le cancer du sein se soigne bien », que « Si ça peut te rassurer, même en bonne santé, j’en ai des trous de mémoires ». Et non je ne peux pas dire à tous ces gens que j’ai des métastases et ceux qui le savent me disent « Oui mais elles ont disparues ».

Et les « Vous avez repris le travail ? ». Argh !!!!!!!!!! non je n’ai pas repris le travail ! parce que j’ai encore les rayons, la reconstruction à prévoir et surtout tous mes problèmes de fatigue : les pertes de mémoires, la lenteur intellectuelle, l’incapacité à me concentrer, à analyser une situation, à trancher, décider, à réaliser des tâches quotidiennes comme préparer un repas, parler parfois tout simplement.

Mais personne ne le voit parce que dans ces cas-là j’évite les gens même si parfois ce n’est pas possible et que j’ai si peur de faire des impairs (j’oublie les noms des gens par ex). J’ai le cerveau tout entier occupé par le cancer : je ne peux plus prendre la voiture sur de longues distances, je suis trop distraite. Et j’ai mieux à faire que de finir par épuiser au travail le peu d’énergie que j’ai (3 heures le matin ?). Garder ce peu de temps qui me reste à vivre pour mes enfants, mes proches et pour moi dirait ma psychologue. Tant de choses que l’on ne peut plus repousser. Et un ange passe quand mon compagnon dit « On fera ceci ou cela dans tant d’années » ou quand des amis parlent de la retraite. Je ne serai peut-être plus là.

Et pourtant je continue à m’indigner, à me révolter, à m’émerveiller, à m’intéresser à l’actualité, à tout ce qui m’entoure.Je n’ai jamais autant aimé la vie.

nuages.