Catherine Adler, psycho-onco-sexologue, vice-présidente de l'association Etincelle, se prête à une interview exclusive pour Chaîne Rose.
C'est sans filtre et sans tabou qu'elle entre dans le vif du sujet de la sexualité pendant un cancer et encourage à EN parler, une des meilleures façons de rester dans la vie !
Pourquoi en parler dès lors que l'on vient d'apprendre que l'on a un cancer ? Quelle attitude adopter vis-à-vis du partenaire ? Voici ses premiers conseils.
Pourquoi est-il intéressant de pouvoir parler avec un sexologue à l’annonce d’un cancer ?
Je dirai que c’est plutôt le corps médical qui devrait aborder le sujet avant les traitements car, Lui, est sensé savoir que cela risque de poser des problèmes alors que la patiente ne sait pas encore très bien ce qui l’attend. Le problème étant que le corps médical ne le fait que rarement voir jamais.
En effet, en 2003, l’OMS adopte la définition actuelle de la santé sexuelle :
« La santé sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité. La santé sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité et sans contraintes, discrimination ou violence. Afin d’atteindre et de maintenir la santé sexuelle, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés ».
Comment donc réconcilier Eros et Thanatos ? Le cancer et ses traitements ne vont-ils pas à l’encontre même de la définition de la santé sexuelle : « …Etat de bien- être physique… » : Où trouver ce « bien- être » quand le corps est malmené, scarifié, mutilé, amputé ?
Mastectomie, tumorectomie, stomie, laryngotomie, etc…ces termes barbares sont-ils compatibles avec « désir, plaisir, sensualité ».
Le « bien être mental et social associé à la sexualité » est également difficilement compatible avec les peurs, l’anxiété, l’angoisse qu’engendre l’annonce d’un cancer. Cette dernière, à elle seule, peut aller à l’encontre d'une disposition à la relation sexuelle, laquelle requiert une bonne disponibilité psychique et la capacité de lâcher prise.
Il faut alors essayer d’anticiper toutes les questions qui pourraient freiner ce lâcher prise, la confiance en soi, au partenaire, etc.
Beaucoup de paramètres peuvent freiner le désir et, par conséquent, une sexualité satisfaisante.
Pour les femmes : indisponibilité, angoisses, peur de se montrer nue, non acceptation de leur corps, cicatrices, chimio, fatigue, sécheresse vaginale, brûlures au niveau du sein (Radiothérapie), libido en berne, etc...
Pour les hommes : la peur de faire mal, le fantasme de la contagion, la peur de passer pour un obsédé (comment puis-je avoir envie dans un moment pareil ?), ne pas oser toucher, ne pas vouloir regarder, etc...
Malgré toutes ces souffrances, les femmes n’en parlent pas beaucoup pour la simple raison qu’elles n’ont pas à qui en parler et surtout qu’elles n’osent pas en parler. « Comment oserais-je parler sexualité alors que c’est un combat pour la vie qui se joue ? ». De plus, les acteurs du parcours de soins ne sont pas formés à la sexualité et fort de constater qu’en 2016, en France, c’est un sujet encore tabou.
Pourtant la sexualité fait partie de la qualité de vie. Le fait de se sentir désirée dans le regard de l’autre ne peut qu’être porteur à un moment où la féminité est tellement mise à mal.
La sexualité peut aider à se réconcilier avec son corps, à se renarcissiser, à se sentir à nouveau « femme ».
Il ne faut pas oublier que la sexualité englobe beaucoup de choses. Ce n’est pas seulement le coït ! Elle passe par les caresses (en tout genre), la tendresse, la sensualité, les baisers (en tout genre). Lors d’un cancer, il faut respecter le rythme de chacun et essayer de trouver à deux une sexualité adaptative qui puisse satisfaire le désir de chacun. Il ne s’agit évidemment pas de se forcer mais il faut éviter, tant que faire se peut, une trop grande frustration de part et d’autre qui pourrait mettre en péril le couple.
Le sexologue (médecin ou psy) doit prendre en compte tous ces paramètres mais, dans le cadre de la cancérologie, il peut aussi les prévenir tout simplement en informant et en conseillant. Cela est essentiel car, si les « symptômes » surgissent, le couple saura que « c’est normal », « que cela arrive », « qu’il faut en parler », « qu’il y a des solutions » ; ce qui évitera la solitude et le retranchement dans un silence délétère.
Il ne faut donc pas hésiter à en parler avant même les traitements, à anticiper et à consulter, à deux si possible !
Le conseil de Catherine Adler :
Le compagnon de vie doit éviter de se transformer en « infirmier » mais préserver sa place "d’amant" afin de conserver quelque chose de l’ordre du désir et de la séduction. Devenir infirmier est particulièrement délétère pour la sexualité.
On pense très souvent que c’est l’homme qui va rompre la relation et partir. Or il n’est pas rare de voir les femmes s’éloigner de celui qui a vécu de « trop près » la maladie. En effet, il leur est parfois difficile de supporter le poids du regard de celui qui a été témoin de la « femme malade ». Dans leur inconscient, le regard du compagnon ne peut plus être celui de l’amant. Sans parler des fameux « je ne m’aime plus, comment peut-il encore m’aimer ? » ; « je ne veux pas être un poids pour lui » ; « je ne le crois pas quand il me dit qu’il me désire et qu’il m’aime », etc…
Ne jamais penser à la place de l'autre, pour cela il faut communiquer !
Si l’homme vous dit qu’il vous désire et que le geste se joint à la parole, pourquoi ne pas le croire ? Faites-lui confiance, faites-vous confiance. Il vous aime certainement pour des milliers d’autres choses qu'une autre partie de votre corps à laquelle vous ne vous résumez pas !
Inversement, certains hommes peuvent avoir du mal avec certaines mutilations et/ou la perte de cheveux, etc. Ce n’est pas parce qu’ils sont lâches ou salauds mais tout simplement parce qu’ils ne sont que des êtres humains avec leurs propres limites. Il est important de pouvoir respecter ces limites. Encore une fois, il ne faut pas avoir honte d’en parler sans avoir peur d’être jugé. Encore une fois, une sexualité adaptative peut, dans un premier temps, permettre de satisfaire l’un et l’autre.
Ce n’est pas parce que le compagnon ressent une réticence face à un corps dont il n’a pas encore l’habitude qu’il n’aime plus.
L’amour est présent même si le « faire l’amour » peut poser problème pendant un temps. Ce qui me parait essentiel, c’est de pouvoir garder le contact physique, le toucher (caresses, étreintes, baisers). A chacun son rythme !
Face à une mastectomie, une stomie ou tout autre changement corporel, il est important d’en parler en amont afin de pouvoir préserver a minima une certaine séduction. « Es-tu prêt à regarder ? » « Veux-tu voir ? », « Préfère-tu que je garde une petite nuisette ? », etc permet d’éviter des situations qui peuvent être vécues comme violentes par l’homme qui n’y est pas toujours préparé. Et si l’homme refuse, n’y voyez pas de la méchanceté ou de l’incompréhension ; il n’est juste pas prêt, il n’en est pas là…
On pourra toujours répliquer : « et nous alors ?! », « Nous n’avons pas eu le choix » « Pour nous, c’est encore plus difficile car c’est notre corps dont il est question ! ». Et c’est vrai, vous avez raison. Mais précisément, ce n’est pas la peine de subir une double punition : la maladie et ses mutilations et le rejet de l’autre. Afin de s’éviter ses blessures psychologiques et affectives, échangez verbalement et respecter encore et toujours le rythme de chacun.
Sachez que le cancer ne sépare, ni ne rapproche : il révèle ! Il révèle la profondeur de la relation et des sentiments ; il révèle la solidité du lien.
Les hommes qui aiment profondément leur femme n’ont aucune envie de partir. Ils souffrent aussi, ont peur de la perdre et ne savent pas quoi faire pour les soutenir.
La sexualité est une solution et surtout un des meilleurs moyens de rester dans la vie.
Catherine Adler
Au mois de février et à l'occasion de la Saint Valentin, Catherine Adler apportera les réponses à vos questions les plus sexy : adressez-nous vos commentaires ou messages privés à [email protected] !
Lire aussi :
Sexualité et cancer : libido y es-tu ? - Chaîne Rose
Infos patients
"Sexualité et cancer" - Roche
"Sexualité : comment vivre sa vie amoureuse avec la maladie ? - Voix des Patients
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Cancer gynécologiqueNon classé
Bonjour, je suis sous Hormonothérapie depuis maintenant 6 ans; la libido n’est pas en berne, elle est carrément partie à Tombouctou!
Plus aucun désir, l’oncologue s’en fiche, et la gynécologue me propose d’aller voir un sexologue!
Et je ne suis pas seule dans ce cas;
Par contre on en parle pas du tout!
Y-a t’il des solutions?
Cordialement
Mme Karin Bakker
Bonsoir, moi aussi j’ai eu ce problème pendant l’hormonothérapie après 4 ans une séparation car je me sentais responsable que mon copain ait une libido et moi qui le voit aussi désirable qu’un arbre je l’ai quitter, la libido est revenue en courant et maintenant le problème mes nouvelles fréquentations lorsque je leur dit partent pratiquement en courant et puis plus de nouvelles ça me brise le coeur. Et je me demande chaque fois pourquoi j ai eu se m… de cancer du sein pourtant je suis une belle femme , parfois la vie est injuste alors je me noyais dans le travail ça aide à passer au travers, merci de m’avoir lu .
Bonjour Karine, je comprends bien votre problème mais je pense qu’il faut se poser quelques questions : « comment était votre sexualité avant? », « Avez-vous eu mal lors d’un rapport sous hormono? ». Sachez que l’hormone du désir est la testostérone (et oui, même chez la femme!) et que l’hormonothérapie n’influe pas sur elle. En revanche, elle peut provoquer des assèchements tels que l’on peut avoir très mal lors d’un rapport et du coup se bloquer psychologiquement (ce qui est normal) . Il existe des crèmes, gels, et même traitements oraux contre ce phénomène (je suis en train de mettre au point une liste mais j’attends qu’elle soit validée avant de la transmettre). D’autre part, il faut vous interroger sans tabous sur vos modes d’excitations sexuelles : fantasmes, massages, caresses, masturbation, lectures, etc. Le manque de désir n’est pas juste dû à un problème mais est, en général, plurifactoriel. Il serait bien d’échanger avec votre compagnon sur le sujet afin de trouver ensemble des solutions satisfaisantes. Sinon, en effet, consulter un sexologue spécialisé en oncologie peut être une bonne idée. Si vous êtes sur Paris, je pourrai vous donner mes coordonnées. Bien à vous. Catherine Adler Tal
Cancer du sein mai 1999.Intervention chirurgicale sur la tumeur,chimio et radiotherapie.
Hormothérapie pendant 10 ans.
A la fin de l’hormotherapie :sècheresse vaginale, douleurs lors des rapports…….
Fin des rapports.
Consultations :gynéco ( 3 ) ,sexologues (3) .aucune amélioration.
Absence de désirs.
Je viens de quitter mon compagnon à cause de ce probléme et ainsi je suis devenue assexuée. »
J’ai 65 ans.J’ai décidé de mettre fin à tout rapport donc vivre seule
Je ne pense pas étre seule dans ce cas;C’est la raison pour laquelle j’ose parler.
L’intervention m’a permis de vivre!C’est le plus important
Si ce témoignage peut etre utile vous pouvez le publier.
Tres cordialement
Courage à toutes celles qui luttent et amities
Janie
Bonjour Janie,
J’ai lu votre témoignage attentivement. En effet, le plus important est d’être en vie. Je suis entièrement d’accord avec vous sur ce point. On peut vivre parfaitement bien sans sexualité, c’est vrai. Mais sachez que si vous rencontrez quelqu’un avec qui vous avez envie d’aller plus loin , il existe des moyens pour pallier aux assèchements vaginaux(gels, crème, ovules, le tout sans hormones). Déjà, mettre une crème (sans hormones) au quotidien (comme pour le visage) permet de ressentir un certain confort et de lutter contre le vieillissement des muqueuses et les tiraillements que procure l’assèchement. Ces crèmes se vendent sans ordonnance en pharmacie.
Bien à vous
Catherine Adler Tal
BONJOUR
J’ai subie une mastectomie et curage axillaire en décembre 2015. De retour à la maison j’étais très inquiête de savoir ce qu’allait devenir ma sexualité un sein en moins des douleurs et traitements à suivre. à mon grand étonnement nous avons refait l’amour rapidement ensuite la chimio est arrivée avec son lot d’effets secondaires là, beaucoup plus compliqué… pendant une semaine grosse fatigue mais dès que je remonte et bien nous ne nous privons pas de faire l’amour, bien sûr rien à voir avec notre sexualité d’avant. Je trouve plutôt cela très positif mais le hic : mon mari estime que l’on ne fait pas assez l amour ça le rend irritable et moi je culpabilise de ne pas pouvoir donner plus pour le moment. Lorsque l’on en parle, il est toujours compréhensif mais lorsque je suis si fatiguée que je n’ai aucune envie et bien ça ne va plus. Il aimerait que notre activité sexuelle soit journalière. J’ai commencé ma cure qui m’a mise ko donc depuis une semaine aucun désir … pour moi une semaine c’est rien pour lui c’est tout un monde… Je n arrive plus à vouloir en parler, je suis trop fatiguée…
Sylvie
En mars 2016 découverte d’un cancer du sein, deux tumeurs, on enlève un tiers du sein plus curage axillaire en avril 2016 , suivit de 33 séances de radiothérapie.
Malgré la présence de mon mari permanente et toujours avec beaucoup d’amour et de tendresse. La libido est passée au stade zéro, je ne me supporte plus, je ne me reconnais plus, j’ai 65 ans. Avec l’hormonotherapie et les effets secondaires occasionnés, il n’y a plus d’envie, plus de désir, donc plus de plaisir.
J’ai très peur de l’avenir et surtout très peur que mon mari se lasse de moi, et s’en aille. Que dois-je faire ?
JOSY
Que faire ?