C’était pendant ma pause déjeuner, entre midi et deux. Je préparais cette “excursion” depuis quelques semaines maintenant – le déplumage ayant sérieusement commencé… Mais comme d’habitude je continuais à courir partout, à travailler malgré les traitements lourds. Je pensais que de travailler, me rendre utile, m’aiderait à masquer la maladie et à la combattre. J’ai compris ensuite que ce n’était pas cela qui m’aiderait ; bien au contraire, pour avancer, je devais la combattre de plein fouet, face to face, et comprendre que j’étais malade, "entendre" que j’étais malade, arrêter de me voiler la face. Je suis donc allée avec mon mari chez cette “posticheuse”, qui avait pour mission de me raser la tête et d'y mettre une perruque. Vaste programme... J’appréhendais forcément l’épisode du rasoir électrique et de la boule à Z… ça n’est pas anodin pour une femme de se retrouver chauve à 30 ans, je m’attendais à avoir des images bizarres dans la tête du genre “sale tête tout droit sortie de Dachau” et je ne voulais surtout pas avoir ce genre de souvenirs gravés dans ma mémoire. Il y avait un grand miroir horizontal dans cette toute petite pièce. Je ne voulais pas me voir pendant le rasage, j’ai donc demandé à être dos au miroir. Je ne voulais pas non plus que mon mari me voit me faire raser – je ne voulais pas qu’il ait ce souvenir de moi dans la tête, cette image que je pressentais violente. Je lui avais demandé de m’attendre dans une pièce à côté et il avait accepté. Une fois la tête complétement rasée, je n’ai pas voulu de la perruque tout de suite. Non, bizarrement j’étais curieuse, voire même excitée à l’idée de me voir façon Sinead O’Connor (en toute modestie bien sûr, car on en était loin…) J’ai appelé mon mari pour partager cela avec lui. Au départ j’étais étonnée que mon crâne soit encore aussi fourni (il me restait toutes mes racines noires). Je pensais naïvement trouver un crâne tout blanc et tout nu (minute papillon, ça viendra…). Mon mari m’a tout de suite dit : “Tu as vraiment un très joli crâne ! j’adore sa forme ! Il n’y a aucune bosse” Waou ! moi qui pensait me faire peur, lui faire peur, et bien pas du tout ! J’avais attendu ce moment avec énormément d’appréhension et de stress, et en fin de compte, ça ne fut pas si dur que cela. Après 5 minutes à me reluquer dans tous les sens pour vérifier que mon crâne était vraiment parfait, la posticheuse m’a mis ma perruque et me l’a un peu recoupée afin qu’elle corresponde exactement à ce que je voulais. Ce que je voulais – ouh ce fut compliqué ! C’est difficile quand vous voulez la tête de Natalie Portman alors que vous ne ressemblez pas du tout à Natalie Portman… Vous êtes forcément déçue du résultat. Autant chez une coiffeuse, on peut dire que je suis exigeante, mais là j’étais carrément “chiante” ! Il y a trop de volume par ci - je n’aime pas cette frange là – est-ce que je pourrais mettre du gel ? ça va me tenir chaud ? - est-ce que vous pensez que je pourrais mettre un bandeau par-dessus ? un serre-tête ? il y a toujours trop de volume ici, c’est encore trop long… Une vraie insatisfaite ! pourtant 10 minutes avant on venait de me raser le crâne ! Je réalise qu’à cette époque j’arrivais à assimiler des situations plutôt difficiles en me focalisant sur des détails pratiques, quitte à tourner cela en dérision. C’était tellement plus facile…