J'étais limite nostalgique, bizarre, et émue. J'étais avec mon père pour cette dernière séance, et je ne réalisais pas encore que je ne les reverrai plus, les infirmières, les autres "malades". Ou en tout cas pas comme ça. Quand je les reverrai, j'aurai meilleure mine, j'aurai à nouveau des cheveux, des sourcils, j'aurai à nouveau le sourire. Peut être serai-je guérie ? Ou simplement en rémission (ne nous emballons pas !). C'était donc la dernière fois que mon infirmière me branchait, qu'elle rôdait autour de moi pour s'assurer que tout se passait bien. Pour cette dernière séance je n'ai même pas pensé à mettre mon habituel Patch. Pas grave, ça ne fait pas si mal et puis c'est la dernière ! Je pensais à tout autre chose quand je me suis préparée pour la clinique. Une certaine routine s’était installée depuis quelques mois. Avant chaque chimio (j’avais rendez-vous en général vers 10h) je me mettais du vernis sur les ongles des pieds et des mains. C’était un vernis spécial contenant du silicium et protégeant mes ongles qui étaient abimés voir noircis par le produit de mon second protocole. J’essayais aussi de prendre un bon petit déjeuner car je savais qu’ensuite je n’aurais pas trop envie d’avaler grand chose. Rien qu'a l'idée de me dire que cette routine allait s'arrêter aujourd'hui après ma dernière chimio, et bien j'ai eu peur. C’est étrange de ressentir comme un regret de ne pas revenir la semaine prochaine alors même que j'ai eu autant de mal à m'habituer à ce fichu traitement et aux effets secondaires. C’était peut-être simplement la peur de l’inconnu, la chimio, au bout de 6 mois de traitement, je commençais à connaître. Je ne dis pas que je m’y étais habituée, mais disons que je savais à peu près comment la gérer. En revanche, pour le traitement qui allait suivre, je n’avais aucune expérience. La radiothérapie, l’étape de plus après la chirurgie, après la chimio. Une étape de plus dans mon parcours du combattant. J’ai passé ma “dernière” séance sans problème. Je suis partie en me promettant de revenir les voir “après”, quand j’irai mieux. Quand j’aurai à nouveau des cheveux. Qu’elles voient que l’on va mieux “après”. Et que je ne leur en veux pas à “elles”. Ça n’est pas de leur faute aux infirmières si j’étais tout le temps maussade, terne, voire malade, quand je venais aux séances. C’est pour cela que j'aurais voulu leur montrer qui j’étais “avant” les traitements et celle que je suis devenue après, une fois que tous les traitements ont été terminés. J’ai attendu d’avoir terminé la radiothérapie pour aller les voir ; j’appréhendais un peu d’emprunter à nouveau ce long couloir, avec toujours cette odeur imprégnée partout… qui me rappelait tout, absolument tout, les nausées, mon mal-être de l'époque, la fatigue, l'épuisement... Ce ne sont pas de ‘bons souvenirs’ mais cela fait partie de ma vie maintenant, c’est mon expérience, et je dois désormais vivre avec. Ne pas avoir peur de se retourner. Et c’est ce que j’ai fait. Je me suis fais un peu violence et j’ai franchi le seuil de la salle de chimio un mardi, 3 mois au moins après ma dernière injection. J’étais contente de les revoir, limite fière de leur présenter ma nouvelle coupe garçonne mais cette fois-ci avec mes vrais cheveux à moi ! Je voulais aussi montrer aux patients autour de moi, que, voilà, la vie continue après, une fois le bout du tunnel atteint, on va mieux, la preuve. Les infirmières étaient aussi ravies visiblement de cette visite impromptue. Elles ont pris de mes nouvelles, de mon parcours et m’ont sincèrement souhaitée de se revoir mais pas dans une salle de chimio ! Je suis d'accord. Je continue ma route et je ne vous oublie pas.