C’était précisément le 28 Août, il y a plus d'un an. C'était un mardi. J’étais accompagnée de mon mari qui avait pris sa demi-journée pour venir et rester avec moi. On m'avait tout expliqué au préalable. J’en avais pour 3h en tout. 2h30 de traitement, avec 3 poches différentes et des effets secondaires différents d’un produit à l’autre. J’avais choisi un fauteuil un peu à l’écart, pour être plus tranquille pour vivre ce moment que j’appréhendais forcément. Il faut dire que la salle de chimiothérapie n’était vraiment pas à mon goût.
A tous les niveaux. L’agencement déjà. Une grande salle en arc de cercle avec au centre de l’arc, le bureau des infirmières. Pratique pour elles, car elles nous voyaient tous, mais absolument pas possible de garder une quelconque intimité pour nous les patients.
Ensuite la décoration, quelqu’un s’était amusé à coller des stickers de bambou partout. Il y en avait sur les armoires, sur les portes, sur les fenêtres, absolument partout ! et ça jurait complétement avec la couleur des murs bien sûr.
Ajouter à cela une odeur absolument insupportable, que vous sentiez dès que vous entriez dans l’enceinte de la Clinique. Relent de produits nettoyants bons marchés d’hôpital.
Cette odeur et le dégoût que cela m’inspirait était plus fort à mesure que les traitements s’enchaînaient et vers la fin, rien que de penser au souvenir de l’odeur, j’avais une nausée ! Véridique.
Pour l’anecdote, je compare souvent ma maladie et les traitements à une grossesse. Quand on m’a diagnostiqué mon cancer, j’ai appris en même temps que ma meilleure amie était enceinte.
On a donc eu nos nausées ensemble, chouette ! Elle a accouché 9 mois après. Moi, j’ai accouché d’un nouveau moi 10 mois après…
Donc pendant cette première séance de chimiothérapie, je réalise que je suis super jeune par rapport au voisinage ! On se regarde avec mon mari et on réalise que ça va être dur. Dur de revenir dans 3 semaines et d'affronter encore cela. Au-delà des traitements et des effets secondaires que je devais subir, en salle de chimio, ici avec mon mari, on était solidaire, on affrontait tous les deux ensemble ce moment difficile, long (3h quand même !), on affrontait ensemble le regard compatissant des autres. Je lisais ces mots dans leurs yeux : "Ouah elle est jeune ! la pauvre..."
On parlait beaucoup, on faisait des projets, on parlait de nos enfants bien sûr, on passait le temps. Et on jouait aux cartes - c'est pratique les cartes quand vous ne vous sentez pas bien, vous vous concentrez sur la partie que vous voulez gagner et rien d'autre, c'est concret.
On a fait un certain nombre de parties de Rami pendant mes chimio. D’ailleurs je ne sais pas si je pourrais rejouer de sitôt de peur d’assimiler forcément ce jeu aux longues séances de chimiothérapie.
Dans ces conditions donc j’entame ma première séance de chimiothérapie au côté de mon mari. L’infirmière me branche mon cathéter et commence à m’injecter le médicament anti nausées. Ensuite j’enchaîne 3 poches différentes, la première, liquide complétement rouge – qui me fait faire pipi rouge / c’est rigolo – la seconde qui me pique le nez et me donne l’impression de manger de la moutarde / c'est bizarre mais pas insupportable et la troisième qui ne me fait pas d’effets secondaires immédiats mais qui, je l’apprendrais ensuite, me donne ces fichues nausées et me fait perdre toute pilosité. Dernière poche qui est en générale très longue, trop longue.
Contrairement à la salle qui était carrément glauque, les infirmières elles, étaient toutes absolument adorables, souriantes, gaies et efficaces. Sauf peut-être une, mais sur les 6 ou 7 infirmières que j'ai vu passer, cela fait une bonne moyenne. Elles allaient et venaient sans cesse d’un patient à l’autre, avec toujours la petite phrase rassurante, compatissante, adaptée au patient qu’elles traitaient.
Plus les séances s’enchaîneront et plus je réaliserais le talent et le courage de ces femmes qui sont quotidiennement confrontées à des patients différents, certains insupportables, d’autres, simplement tristes et elles arrivent toujours malgré tout avec un sourire franc. Chapeau !