De plus en plus de patients, blogueurs, s’expriment ouvertement sur leur cancer et lui donnent même un nom. Nous avons demandé à Natacha Espié, psychologue-psychanalyste et présidente de l’association Europa Donna, son point de vue sur la question.
Que pensez-vous du fait de personnifier son cancer de cette manière ?
« Le mot « cancer » est un mot qui fait peur, qui est assez terrifiant. Le fait de lui donner un nom, au fond, c’est une manière de se l’approprier.
Donner un nom à son cancer, le personnifier ou même le matérialiser cela le rend moins angoissant, c’est une façon de démystifier les choses.
D’un certain point de vue c’est comme si l’on nommait « l’ennemi ».
Justement, qu’est-ce que cela peut apporter de matérialiser, de personnifier le cancer ?
« Lorsque l’on annonce à une personne qu’elle a un cancer, de nouvelles peurs se créent : la peur de la mort, la peur de ce mot « cancer », la peur de ne pas pouvoir gérer…
Personnifier le cancer c’est d’une certaine manière pouvoir se battre contre quelque chose que l’on a matérialisé à travers un nom, un objet, une forme… On en a presque moins peur, on l’apprivoise à sa manière.
Cela peut permettre d’éviter de céder à la panique, de se réapproprier son expérience. On lui trouve une place dans sa propre histoire pour continuer d’avancer.
À l’inverse, certains préfèrent ne pas en parler du tout ou éviter le mot « cancer », que pensez-vous du fait d’y penser le moins possible ?
On ne peut rien généraliser quant à la manière de gérer le cancer. Certains préfèrent, comme nous avons vu précédemment, lui donner un nom. D’autres au contraire, préfèrent y penser le moins possible.
Chacun doit gérer ça à sa manière, et on n’est certainement pas obligé de lui donner un nom ou de le matérialiser. Extérioriser c’est bien, mais il ne faut pas culpabiliser sur le fait de ne pas pouvoir le faire. »
Finalement ce qu’il faut se dire c’est « Comment je vais faire pour aménager psychiquement cette réalité difficile afin d’y faire face ? »
Il n’y a pas de bonne ou mauvaise méthode.
Il faut avant tout s’écouter, choisir une solution qui nous convient le mieux, trouver SA solution.
Et si l’on se sent encore perdu, je conseille avant tout de ne pas hésiter à se faire aider par un psychologue pour trouver ensemble une solution pour apprendre à gérer au mieux cette situation difficile.
Découvrez également l'interview du Dr Marc Espié, oncologue spécialiste des cancers du sein, qui expose son point de vue sur le dispositif d’annonce du côté des professionnels de santé.
Moi, je n’ai pu donner un nom à mon cancer. Ce mot sortait de ma bouche facilement. Au début de l’annonce ça fait peur après il fait parti de nous, pendant combien de temps !!!je ne veux pas que ça soit un sujet tabou. Positivé faire confiance à la médecine. Obligé de se laisser guidé.
Soyons plus forte que la bête qui est en nous. Le mot cancer ne me fait plus peur ? je le vainquerai.
Personnellement, on m’a dit la première fois « vous avez un petit cancer du sein ».
C’est le mot « petit » qui m’a peut-être rassurée car l’annonce en était supportable. Par la suite, je l’ai appelé dans mon journal intime : « la lésion ».
Puis, j’ai juste imaginé qu’une cellule avait… gaffé, ou « buggé » et qu’elle en était contrite, et je ne lui en ai pas voulu… J’ai ainsi fait appel à mon imagination pour apprivoiser ce qui s’était passé au niveau organique.
Jamais, je n’ai appelé cette « lésion » comme certains le font avec agressivité (même si cela leur convient ou les stimule pour l’affronter, ce que je respecte), jamais je n’ai appelé ma « lésion » de façon insultante pour signifier que je me bagarrerai avec elle.
Certains disent en effet, « cette saloperie » ou « je vais lui péter la gueule ». Non, cela n’était pas valable pour moi.
J’ai décidé : Je ferai avec, je me ferai soigner, mais j’essaie de mobiliser mon psychisme pour que le choc ne soit pas violent. De la sorte, j’ai eu beaucoup de prises de conscience sur ma vie, depuis, j’ai beaucoup évolué, et cette maladie m’a permis d’éliminer des problèmes secondaires dans ma vie qui m’avaient toujours embouteillée, par exemple.
Elle m’a permis de faire table rase de certaines choses vaines, de connaître la valeur des choses, le don précieux de la vie, ce qui ne veut pas dire que je ne suis jamais traversée d’angoisses.
L’aspect le plus heureux que j’ai trouvé à cette alliance imagination positive-lésion, ce sont de beaux rêves que je faisais parfois : je me voyais comme une libellule, avec des ailes transparentes issues des seins, ou je voyais sortir du sein malade des perles, des bijoux précieux.
C’était peut-être le signe que mon psychisme avait compris que la maladie m’apporterait des prises de conscience positives, et aussi le signe que je voulais me faire soigner, mais aussi en faire une expérience de vie, pouvant être féconde.
En espérant toujours la guérison bien sûr. C’est un point de vue un peu particulier, mais j’ai ainsi apprivoisé ma peur.
Bonjour,
Étant atteinte de cancer récidivant et contre lequel il n’existe pas encore de traitement pour en guérir, j’ai d’abord senti que je n’avais pas à lui donner de nom.
Durant sa 1ère apparition, je me disais que les traitements s’en occupaient et que n’avais aucun combat à mener…
C’est lorsqu’il est réapparu de plus belle, 10 mois après la rémission, que j’ai senti monter en moi cette colère et cette envie de lui dire: « Tire-toi! Tu n’es pas le bienvenu! Tu reviens attaquer mes autres organes, alors là tu ne sais pas sur qui tu es tombé!!! La guerre est déclarée, grrrr! »
Les traitements ont repris, la fatigue s’est installée, la déprime aussi, puis, cette interrogation face au nom que je pourrais lui attribuer.
Au début j’ai pensé à Adolf, puis trop connoté, je me suis dit qu’un autre nom ferait surface au moment propice.
Avec ma psy on a beaucoup abordé le thème de la mort et des peurs et colères qui se reveillaient…
C’est finalement un soir, lorsque j’assistais à une représentation de l’école du cirque de Toulouse, que j’ai trouvé son nom!
Un jeune élève a réalisé une performance à l’aide d’une lampe et de sa propre ombre… J’ai fondu en larmes au moment où il lui a parlé, comme s’il s’agissait d’une 2ème personne, elle grandissait et voulait être lui…
J’y ai vu l’histoire de ce cancer qui a grandi et qui me suivra toute ma vie, alors maintenant je le vois comme mon ombre.
Pour qu’il garde sa juste place, il me faut apporter plus de lumière… Et l’équilibre de la vie peut se manifester.
Bon courage à nous toutes et nous tous face à cette épreuve! Elle nous ramène à des choses essentielles, et nous fait avancer malgré tout!
❤
Belle métaphore !!
Personnellement, face a un cancer réputé incurable, après le coup de massue de l’annonce, j’ai décidé qu’il ne gagnerait pas. Aujourd’hui, après 9 mois de traitement lourd, je suus en rémission et l’image de la lumière va m’accompagner ! Merci
Bonjour, mon père a un cancer des poumons et du foie , de plus il à un diabète de type 2 . Nous nous sommes aperçus que la chimio déréglée fortement sa glycémie. Nous avons du mal à la régler. Donc si vous êtes diabétique, pas trop de stress… Bon courage à vous tous.
Virginie