C’est l’heure du bilan à mi-parcours. Je suis en plein milieu du chemin, épuisée par les mois passés, trempée de sueurs de frayeurs, envahie par la tristesse et la faiblesse aussi. Je ne vois rien de beau devant moi. Lorsque je trouve le courage de relever la tête, je découvre un désert sec et aride, un chemin caillouteux et dangereux. Douée d’une grande créativité, j’essaie de l’enjoliver pour résister. Je lui fabrique une pluie de paillettes pour qu’il soit plus chouette, un ciel étoilé pour apaiser les nuitées, un sol de bonbons pour adoucir mes rebonds… Malheureusement, aucune de ces images ne tient. Mes larmes effacent immédiatement chaque trace de ce tableau pour me laisser seule avec ce fardeau. Je suis en plein désert, au milieu de nulle part, les pieds enfoncés dans un sable mouvant. Je suis tentée de m’y laisser glisser pour me sentir apaisée. Je ferais n’importe quoi pour ne plus entendre le bruit de mes os qui craquent, sentir mes muscles douloureux, être réveillée par une chaleur imaginée. Je ferais n’importe quoi pour supprimer tout ça de ma vie.  
Mais je lutte contre cette envie, je lutte le plus fort possible chaque jour qui passe. Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas me laisser embarquer par le désespoir et les idées noires.
Je suis engagée dans ce chemin, je ne l’ai pas décidé ainsi mais j’y suis. J’ai surmonté suffisamment de choses pour espérer continuer dans ma lancée, je le sais. Mais ce désert m’effraie, il me dégoûte même. Je ne comprends vraiment pas ce que je fais là, les genoux à terre, les mains sur les yeux à pleurer des rivières. Non, parce que si je crois que mes larmes vont réussir à créer une oasis, alors là, il faut vraiment s’inquiéter pour moi.  
Et bien, croyez-moi ou pas, au milieu de ce nulle part, je viens de croiser quelqu’un qui m’a demandé pourquoi je retenais mes larmes ainsi. « Les mains sur les yeux ne les empêchent pas de couler ». Il m’a dit aussi qu’accepter de pleurer pourrait me libérer, accepter que ce que je vis n’est pas tendre, que je suis une méritante, une survivante, une femme brillante. Il a une dernière phrase pour moi : « vous avez fait tout le travail, maintenant il est temps de vous détendre et avoir confiance ».
Je viens de passer plus de cinq jours à pleurer comme jamais, les larmes ont coulé dans les bras de mon mari, dans la rue en marchant, dans les toilette en cachette de mes enfants, partout et tout le temps. Et aujourd’hui, je n’ose pas y croire, je n’ose pas le dire, tellement j’ai peur que ce ne soit qu’un mirage. Je suis debout, j’ai repris la route. Elle n’a pourtant rien de différent d’avant. Elle demeure inconnue et sans fin, mais j’avance en suivant cette petite étoile au dessus de ma tête que je n’avais encore jamais perçue jusqu’à maintenant. Elle semble vouloir me guider vers un avenir plus doux. Je vais l’appeler Confiance cette nouvelle camarade de croisade. Je serais ravie qu’elle veuille continuer à me tenir compagnie.