Chuttt !!!   Tu dors depuis que je t’ai offert ta dernière séance d’UV, 36 jours de bronzing dans une jolie petite Ville de la Côte d’Azur, 36 matins où je me levais pour t’offrir ta petite ballade, ton Club Med ;  tu avais un chauffeur.   Je ne veux pas te déranger pendant ton sommeil mais, j’ai à te parler, écoute-moi.   D’abord tu es arrivé insidieusement, sournoisement,  je t’ai rejeté, j’ai fermé les yeux, je pouvais pas... Mais, finalement, ta présence est devenue une évidence et à partir de là, pendant une longue année, tu m’as entrainée dans ton sillage, tu as décidé de ma vie, ou pas, alors je t’ai accepté.   Pourtant, grâce à toi, j’ai pu sonder plus loin la bêtise, et la gentillesse.   Souviens-toi, cette Toubib qui m’a déclaré choisir une perruque brune ‘si cela lui arrivait’ pour voir comment elle serait ….celle là même qui semblait considérer que 7 années de retraite.. c’était déjà pas mal.. l’imbécile : j’ai changé de toubib, son humour ne me plaisait plus.   Mes cheveux !! comment as-tu osé ?  un bien sacré, dorloté, soigné.. personne n’avait le droit de les toucher, je n’aimais pas, mais toi, tu as été plus maligne, tu es passée par l’intérieur et lu les as expédiés par paquets sur le plancher.   Pourquoi es-tu venu m’ennuyer ?   Tu m’écoutes ?  tu t’en fou.. tu es occupé à terroriser une autre Famille sans doute, à semer peur, chagrin, tristesse.. Une pauvre Femme qui se demande comment elle va faire, comment elle va le dire autour d’Elle, et surtout à ses Enfants… comment dire à ses Enfants que leur Mère va peut être bientôt mourir ?  c’est horrible, presque pire que Toi.   Il le fallait, c’est fait et ils ont été super forts et super,  je les aime, là tu peux rien.   Oh ! tu te souviens aussi ce jour de chimio où ma compagne de chambre et de misère me disait tranquillement que, pour moi, la perte de cheveux devait être moins traumatisante : j’avais connu la libération et la tonte des Femmes perdues.. Je n’étais même pas née et je t’en ai voulu, je t’en ai voulu de me faire paraitre si vieille.. un dinosaure hors de son temps.   J’ai eu des nausées, des douleurs, des suées, des insomnies, les jambes en coton, plus de forces, des crises de larmes, plein de choses super ?? tu ne t’es aperçu de rien ?  on te donnait des cachets.   Tu avais anéanti mes cheveux, il a fallu que tu t’attaques à mes cils, mes sourcils, mes ongles,  tu m’as gonflée avec ta cortisone, bref, tu m’as fait devenir moche. Le choc de se regarder dans le miroir, j’ai pleuré, puis j’ai pris des photos pour ne pas oublier, même si je sais que je n’oublierai pas.   L’opération… l’après opération lorsque l’on t’annonce que chimio il y aura, que rayons il y aura aussi, parce que … J’ai dis OK, qu’est ce que tu voulais que je dise ?   Le miroir, ennemi de cette période :  difficile de se regarder, de face, avec un sein diminué de moitié et qui a la gueule de Popeye. C’est pas grave on me dit, les cheveux, les cils, les kilos, les ongles.. alors, qu’est-ce qui est grave ?  Toi.   Mais, chuttt tu dors.   Le cercle de mes Amis s’est resserré, timidement au début parce que tu fais peur aussi aux Autres .. ne pas en faire trop.. ne pas en faire assez…  Ils s’en sont bien sortis et j’ai pu compter vraiment sur ma meilleure Amie, ma Sœur, toutes les veilles de chimio elle était là, nous déjeunions ensemble et rigolions beaucoup pour te donner le change, nous disions des bêtises :  je dis beaucoup de bêtises.   Et puis tu as jugé que la chimio, stop. Alors … après m’avoir interdit et privée de soleil, tu m’as envoyée aux rayons. 2 heures de route, 3 minutes seules toi, moi et la machine ; Tout le monde hors d’atteinte, de l’autre côté. Je crois que là, tu n’as pas aimé…  peut être as-tu senti que nous devenions plus forts.. Alors tu as rué et t’es attaqué à mon péricarde. J’ai eu très mal, j’ai eu très peur,   il fallait continuer quand même.. j’ai réussi.   Cette année, à Noel,  j’aurai des cheveux.   Mais Chuttt.. tu dors.   De temps en temps, tu refleuris autour de moi, dans le jardin des rémissions.. S’il te plait, laisse-moi encore beaucoup de temps.. Je suis sympa, regarde : Je ne mange plus de crabe !