Interview post-événement de Séverine Martin*, initiatrice du salon des « K fighteuses », jeunes combattantes du cancer. Retour sur une première édition inédite !

 

Comment vous est venue l’idée de réunir toutes ces femmes porteuses de projet et quel était l’objectif ?

Quand on m’a annoncé que j’avais un cancer, j’ai rapidement identifié sur les réseaux sociaux un mouvement de femmes concernées par la maladie, en rémission ou encore en traitement.

Elles s’exprimaient autrement sur le vécu de la maladie, elles participaient à la fois à un soutien collectif et à un nouveau regard sur les malades de cancer par leurs initiatives originales. Toutes ces femmes étaient porteuses d’espoir et j’ai rapidement eu envie de les rencontrer dans la vraie vie, de créer du lien avec elles et entre elles, de participer également à ce mouvement.

Réunir en un même endroit toutes leurs initiatives était une occasion de montrer une autre image du cancer.

Le mot cancer fait peur, il véhicule des images négatifs. Alors, oui c’est vrai, il y a des moments difficiles pendant la maladie, et encore de trop nombreux décès. Mais lorsqu’on a la chance de sortir de cette épreuve de vie, on en ressors beaucoup plus fort et avec plein d’envies.

À travers ce salon, j’ai souhaité transmettre une image d’espoir et de forceEn 2018, le cancer ne devrait plus être un facteur d’exclusion. Nous n’avons pas à nous sentir gêné d’être malade ou à nous en caché. Bien au contraire, c’est une expérience de vie qui mérite d’être mise en valeur avec fierté.

Ce salon a été l’occasion de dire à toutes et tous « Oui, nous avons eu un cancer, et alors ? Regardez donc ce qu’on en a fait ».

C’est pour cela que nous avons communiqué sur la baseline du salon « Quand le cancer donne des ailes », il s’agit bien de résilience !

Quel était le profil des visiteurs et quelle était l’atmosphère générale durant cette journée ?

Nous avons vu une majorité de femmes, parfois venues accompagnées par leur mère, leur fille, leur conjoint. Les personnes en soin ce jour-là au Centre Léon Bérard sont également venues sur les différents stands. Les visiteuses venaient principalement de la région Lyonnaise, mais certaines sont venues de beaucoup plus loin : Paris Lille, Dijon, Rouen… J’ai même des collègues de travail qui sont venus me voir !

C’était une journée conviviale et chaleureuse, comme une réunion de famille ! Il y a eu beaucoup d’émotions : des sourires partout, des rires, des larmes, ça rigolait, c’était très intense et surtout très gai.

« Des sourires et de la rigolade dans un centre de cancéro, ce n’est pas rien ! » –  Séverine

« De voir toutes ces femmes dans cette atmosphère, en tant que professionnels de santé ça nous a boostés ! » – un soignant du Centre Léon Bérard

C’était troublant de voir à quel point les participantes étaient jeunes, est-ce elles qui vont contribuer à faire changer le regard sur la maladie ?

 

Le cancer touche les femmes de plus en plus jeunes, c’est une réalité.

Selon moi, les associations « historiques » ont un vrai rôle d’information, mais elles n’ont pour autant pas systématiquement la réponse aux nouveaux besoins et questionnements liés au jeune âge des personnes malades. Il est nécessaire de prendre en compte les problématiques d’une jeune femme, comme les enfants et le travail à gérer pendant et après les traitements, la vie de couple, les problèmes de fertilité…

Qu’avez-vous entendu sur le salon qui vous a fait comprendre que vous aviez réussi votre pari ?

J’ai entendu beaucoup de choses positives comme « on passe du virtuel au réel c’est formidable ! », « génial de les rencontrer en vrai ! », et j’ai reçu énormément de remerciements.

L’avenir dira si cette rencontre a renforcé des liens. Pour moi, ce fût une très belle reconnaissance, je me suis sentie « légitime » dans la communauté des patientes et dans la poursuite de ce que je veux faire. Il a fallu que je passe par la maladie pour me sentir pleinement reconnue dans mes actions ! J’avoue que  cette reconnaissance personnelle me fait du bien.

Avez-vous eu un coup de coeur ? Une rencontre ?

Mon tout premier coup de cœur a été Lili Sohn.

Dès que je suis tombée malade, ses BD m’ont fait rire et m’ont donnée la « pêche ». Je me suis dit « cette fille elle a raison, c’est comme ça qu’il faut prendre la maladie, et c’est ce que je vais faire », elle m’a beaucoup aidée. J’ai été très émue de pouvoir la rencontrer quelques mois plus tard.

J’ai appris à découvrir certaines femmes un peu plus personnellement, comme Mumu Verger (Mon crabe Paulo), ou encore Olivia de Fuck Cancer. Elles sont simples, naturelles, franches, efficaces, je me retrouve un peu en elles. Marine de Nicola, que j’ai vu également après le salon, a été aussi pour moi une très belle découverte humaine.

Les participantes que vous avez réunies ont plusieurs points communs : le courage, la créativité, le positivisme, la solidarité et vous avez parlé du salon de la « résilience »…  Quel message souhaiteriez-vous faire passer à toutes les personnes qui sont dans l’épreuve du cancer et qui ne se retrouvent pas dans cette dynamique ?

Qu’il ne faut surtout pas culpabiliser, se sentir mauvaise ni se dévaloriser…

On n’est pas obligée d’être active sur les réseaux sociaux ni de devenir entrepreneuse pour être dans la résilience ! Je crois que cela dépend vraiment du tempérament et des envies de chacun. Dans ce ciel noir que représente l’image du cancer, il y a aussi plein de petites étoiles de couleur. Je pense que chacun est capable de trouver sa propre petite étoile, celle qui lui permettra de transformer cette épreuve difficile en quelque chose de positif.

Parfois, cela passe par des choses toutes simples : prendre davantage soin de soi, apprendre à cuisiner d’une autre manière… l’important c’est de trouver la façon qui nous correspond pour traverser cette étape de la vie.

Pensez-vous à une deuxième édition ? À quoi ressemblerait-elle dans votre idéal ?

J’ai déjà RDV dans les prochains jours au Centre Léon Bérard pour faire le bilan de cette première édition… et parler de l’édition prochaine ! L’idée, c’est de continuer à mettre en avant de belles initiatives. Il y aura bien sûr des K fighteuses « connues », mais je veux aussi aider d’autres personnes « locales » à se faire connaître et favoriser la mise en lien entre les femmes.

J’ai des demandes pour reproduire le salon dans d’autres villes, mais pour le moment je dois trouver un modèle économique qui me permette de vivre et qui respecte la charte du salon.


Rappel : Le Salon des K Fighteuses

Le 26 avril dernier, le centre Léon Bérard de Lyon accueillait la première édition du salon des « K-fighteuses ». Le concept ? Réunir des jeunes femmes touchées par un cancer qui ont puisé dans leur maladie pour rebondir professionnellement ou personnellement.

Certaines sont devenues dessinatrice de bandes dessinées, créatrice ou encore ambassadrice de cosmétiques spécialisés.

Sur le salon, 23 stands : Mister K et son « Fighting Kit », Fuck cancer by Olivia, Garance Paris, Les bijoux de Sein Rose, Sein Serment Solidaire, Alexia Cassar, Même cosmetic, Ozalys, Les thermes de la Roche Posay, Sandra Sanji, L’association des Nanas, Rose Car, SOS Féminité, L’association Jeune et Rose, Sarah Peb, Lili Sohn, Marine de Nicola, Séverine Martin, Stéphanie Jonte, Allo Alex, Voix des Patients, Chaîne Rose, Christelle et ses nouages de foulard… Des socio-esthéticiennes proposaient aussi des soins des mains.

Des sujets très variés ont été abordés : de la prise de poids à la fertilité ou à l’onco-génétique, en passant par des conseils beauté. Il y a eu aussi des interventions sur les sujets de l’engagement après son cancer, notamment sur les sujets « entreprise et cancer » ou encore  « s’engager pendant ou après le cancer : pourquoi ? ».

Le concept du speed talking a permis des échanges entre les visiteurs et les différents intervenants, qui semblent avoir été appréciés.

Près de 300 visiteurs (patients, proches et soignants), étaient au rendez-vous.


*Séverine Martin est aussi connue sous le pseudonyme « Mon Nibard VS Crabevador ». Sur Facebook et Instagram, elle y raconte son histoire. Séverine est également à l’initiative de l’association Degom’Crab dont l’objectif est de sensibiliser, d’informer et de participer à la recherche contre le cancer par le biais de manifestations. Enfin, elle vient de créer la chaîne Youtube « le Coin des K Fighteuses ».