Catherine Adler-Tal, psycho-onco-sexologue et vice-présidente de l'association Etincelles, apporte son précieux éclairage  aux nombreuses questions reçues autour de la libido pendant un cancer.

 
"Je suis sous hormonothérapie depuis maintenant 6 ans : la libido n'est pas en berne, elle est carrément partie à Tombouctou! Plus aucun désir. Y-a t'il des solutions ?" - Karine  

La perte de votre libido n'est pas liée au traitement du cancer

  Avant tout il faut savoir que la libido (le désir) est dépendante de la testostérone, même chez la femme. Or, l'hormonothérapie n'a pas d'influence sur la testostérone. En revanche, il est vrai que certaines molécules provoquent des assèchements vaginaux importants. Par conséquent, s'il y a eu douleur au moment de la pénétration, c'est davantage l'appréhension du rapport qui va provoquer un "blocage" et qui va, de ce fait, provoquer une baisse de la libido. Aujourd'hui, il existe des moyens pour y remédier : ovules, crèmes, traitements oraux... (se renseigner auprès de son gynécologue et/ou oncologue), sans parler de tout ce qui peut également oindre Monsieur (huile de sésame, gel érotique...).  

Le conseil en +

Toutes les femmes devraient appliquer une "crème de jour intime"* au quotidien dans cette zone. Cela prévient le vieillissement des muqueuses (au même titre que pour la peau du visage et du corps) et, particulièrement pour les femmes souffrant d'assèchement. L'application quotidienne d'une crème procure un certain confort en palliant cette sensation de tiraillement. *vente libre en pharmacie sans ordonnance.  

Comment se réconcilier avec son corps

  Tout d'abord il est important de se poser les bonnes questions :
  • Comment était ma sexualité avant ?
  • Comment était ma relation avec mon partenaire ?
  • Comment ma relation a évolué pendant la maladie ?
  • ...
On sait que les organes sexuels féminins se situent dans le cerveau. Nous ne fonctionnons pas de la même manière que les hommes. L'indisponibilité psychique liée au stress et à l'angoisse de la maladie peut être un frein important à la sexualité. Je sais que c'est facile à dire, mais il faut essayer, tant que faire se peut, de ne pas se laisser envahir par la maladie et surtout pouvoir la laisser sur le seuil de la chambre !  
Il va falloir se réconcilier avec son corps. Ce corps violenté, malmené par les traitements doit pouvoir redevenir source de plaisir. Les caresses, la patience, le dialogue, la tendresse et bien sûr l'amour, sont des moyens pour y accéder.  
N'oubliez pas que la sexualité ne se limite pas à la pénétration ! La pénétration peut être l'aboutissement d'un processus de caresses, sensualité, complicité, confiance... Mais ce n'est pas une obligation si vous n'en êtes pas là. Parlez-en avec votre partenaire pour déterminer ensemble la sexualité qui sera la plus satisfaisante pour vous deux, tout en respectant les limites et le rythme de chacun.   Pour une femme dont la féminité est mise à mal, qui a perdu confiance en son corps et en son pouvoir de séduction, voir le désir dans le regard de l'autre est une belle revanche contre la maladie. C'est rassurant... Ne vous privez pas de ces moments doux. Dites-vous que la sexualité, c'est la vie !!! Et encore une fois, elle revêt plusieurs formes.  

Vivre avec ou sans libido, tout est possible

  Il ne faut surtout pas hésiter à s'interroger sur ses modes d'excitation sexuelle, sur sa capacité à fantasmer. Mesdames, qu'est qui vous excite ? On pourra s'aider de :
  • Lectures érotiques
  • Scènes de films excitantes
  • Fantasmes
  • Et bien sûr réapprendre à se connaître à l'aide de la masturbation et des caresses mutuelles ("j'aime", "j'aime pas", "ça fait du bien", "ça fait mal", "continue", "arrête",...)
Ne pas hésiter à consulter seule et/ou en couple un sexologue qui connaît la problématique cancer et à en parler : pas de honte, ni tabou, la sexualité fait partie de la vie. À l'inverse, s'il n'y a plus de sexualité et qu'il n'y a aucune souffrance de part et d'autre, aucun manque et que cela ne met pas en danger le couple : pas de problème ! On peut vivre sans. Ce n'est pas une nécessité vitale ; donc ne vous considérez pas comme "anormale". Pour les femmes en dépression : si elles ont un traitement anti-dépresseur, il est vrai que cela bloque les neurotransmetteurs qui rentrent en jeu dans la sexualité, puisque cela a un effet sur les émotions mais il faut, de toute façon, traiter en 1er lieu la dépression et en parler avec le prescripteur.  

Mes conseils aux femmes célibataires

  "La libido est revenue en courant et maintenant le problème ce sont mes nouvelles fréquentations qui partent pratiquement en courant lorsque je leur dis et puis plus de nouvelles. Ça me brise le coeur" - Nat  
Pour les femmes seules qui aimeraient mais qui ont peur, plusieurs conseils :
  • Réapprenez à vous aimer
  • Reprenez confiance
  • Prenez bien conscience qu'un corps et une personnalité ne se limitent jamais à une partie mais que c'est un tout
Si, après avoir annoncé votre cancer l'homme fuit, c'est que ce n'était pas un "mec fiable". Un homme digne de ce nom ne fuit pas en cas de problème, il accompagne, il assume, gère, protège, épaule. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "compagnon". Vous ne pouvez pas construire quelque chose avec quelqu'un qui s'en va dès qu'il y a un problème, parce que malheureusement, dans la vie, des problèmes on en rencontre tout le temps. Donc pas de regrets !   Bien sûr il n'est pas toujours nécessaire de tout lui raconter dès le 1er RDV. Attendez le moment qui vous semble le plus opportun et surtout attendez de le connaître un peu mieux, de sentir qui vous avez en face de vous et si vous avez envie de faire un bout de chemin avec ou pas. N'hésitez pas à vous faire aider par un professionnel si vous sentez que seule, vous n'arrivez pas à vous réconcilier avec votre image. Après une épreuve comme celle-ci, il est normal de se sentir déstabilisée, insécurisée et souvent une aide extérieure peut être précieuse.   À lire aussi "Cancer : la sexualité parlons-en !"   Chaîne Rose remercie Catherine Adler-Tal d'avoir pris le temps de répondre aux interrogations des femmes autour du thème de la sexualité pendant un cancer.  Merci à Margaux Motin pour le prêt de son illustration.