Je suis une vieille dame, mais il n’y a pas d’âge avec le cancer, il aime toutes les générations.

Il y a 11 ans, au détour d’un dépistage, on me montre, sur le mur du radiologue, une énorme tâche blanche sur mon sein droit, l’œil aveugle d’un cyclope.

Le premier hoquet passé, je pars au combat. Dans mon foyer, je ne suis pas la seule atteinte, mon compagnon, mon frère, mes sœurs, mon père… le cancer a des airs de famille.

Pas la peine de faire une annonce, je sais. Je m’organise, j’informe mon entourage, profession libérale je n’ai pas de congé maladie, donc je revois mon activité en fonction des actes médicaux qui vont jalonner mon chemin. Ça se passe plutôt bien, malgré les chutes, les chagrins. Méditation, Qi Gong, avancer pour vivre.

5 ans jour pour jour après ce moment-là, le second verdict tombe. Récidive métastatique. Pas la peine de me faire l’annonce, je souffle les mots à l’oncologue. Re traitement, chirurgie, radiothérapie, hormonothérapie alors que j’espérais arriver à la fin de ce calvaire. Mais non, j’en reprends pour 5 ans. Je réorganise ma vie, je repars avec des nouvelles pensées, je m’accroche.

5 autres années passent, et malaises, fatigue, chutes, confusions. Scanner, IRM et là, une bombe explose dans ma tête, tumeur primitive du cerveau. Je pense ouf ! ce n’est pas une métastase.

Je presse le neuro chirurgien de m’ouvrir le crâne au plus vite, qu’il fasse de cette ablation mon cadeau d’anniversaire de 3/4 de siècle.

Consultation hématologue, entrée dans un essai clinique, 1 an de traitement, chimios et hospitalisations bi-mensuelles. Le plus difficile, c’est d’être coupée du monde 10 jours par mois, cloitrée dans la chambre d’hôpital, attachée à la perche de la chimio.

Je résiste, les effets secondaires arrivent en rafale, ceux que personne n’attend. Mais le parcours est bientôt fini.

Combien de temps durera la rémission ? Je n’en sais rien. Je sais que le Kombat peut reprendre à tout moment, celui contre le Ksein, celui contre le lymphome cérébral. Mais pendant ces 10 années bien passées, comme Zazie dans le métro, « j’ai grandi ».