Janvier 2013… Douleurs infernales dans l’épaule je me réveille le matin avec une boule de la grosseur d’un oeuf de caille sur la tête de la clavicule… Qu’est-ce que c’est que ça ? Quatre mois d’antidouleurs, d’examens radiographiques… Rien, mal tout le temps, j’en pleure. Direction hôpital où je passe trois semaines en rhumatologie qui se finissent par une biopsie : streptocoque qui était en train de me bouffer la clavicule.

Pas de porte d’entrée évidente après perfusion et traitement pendant près de trois mois la toubib décide de me faire passer une fibroscopie- coloscopie… Vous avez un énorme polype au niveau du côlon, je vous avoue que ce n’est pas très bon m’annonce-t-on au réveil… Enfin pas vraiment réveillée . J ai répondu : ok et mis ça dans un coin de ma tête en attendant les résultats d’anapath….

La rhumato m’appelle : va falloir revenir c’est cancéreux on doit vous enlever un bout de côlon.

Rdv avec le chirurgien viscéral toute seule : vous avez de la chance parce que dans 6 mois je ne vous aurais pas opérée vous seriez morte. On vous explique ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas d’ailleurs. Au revoir madame à la semaine prochaine.Celle-là faut l’avaler… j’en titube, j’en perds l’équilibre mais une infirmière m’attrape au vol et me pose sur une chaise. J’appelle ma famille, mon mari… Il parait que je suis plus forte que ça… Ah bon ? Faut dire que c est compliqué de dire qqc quand ça tombe .

Commence la chirurgie, la pose du cathéter qui a pris 2 heures. Rencontre avec le gastro qui vous fait une rectoscopie a 9h du matin vite fait entre deux appels téléphoniques et vous explique vite fait les propositions de temps de chimiothérapie ( protocole visant à réduire le temps de chimio : 6 mois à la place d’un an…) qui se présente en matière de chimio. Je suis obligée de vous donner une réponse là de suite ? Non parce qu’après notre entrevue romantique j’ai du mal à réfléchir. Prendre une décision quand on n’y connais rien c’est pas mal c’est juste anormal.

Bref, j’en prends pour 6 mois ferme… J’en ferai quatre mois et demi. Trop dur j’en peux plus, je ne tiens plus debout.

Ma vie est devenue un enfer, mari absent, belle-mère qui s’amuse à me pourrir la vie, des parents qui ne veulent rien voir sûrement parce que la vérité fait peur. Ok je me casse… Trois semaines en maison de convalescence en bord de mer, j’y retrouve la vie : cours de peinture , kiné , rencontre avec d autres patients « ça va aller  » ma phrase magique qui me porte à chaque fois que ça sent le roussi.

Le travail s’est fini aux prud’hommes… Tomber malade juste avant les soldes ça ne se fait pas donc on vous propose une rupture conventionnelle et l’on vous harcèle gentiment. J’ai gagné si l’on veut mais j’ai perdu mon boulot que j’adorais bref pas le temps pour ça .

Plus de deux ans avant d’arriver à me regarder dans le miroir, je ne me reconnaissais pas : j’avais un carré long brun, me voilà avec des cheveux poivre et sel de 6 millimètres, des cicatrices dans le cou, sur le torse, le ventre… Épuisée. Mon mariage est un enfer, un bipolaire ça n’aide pas, quatre enfants.

Je m accroche aux copines, aux amis les vrais pas ceux qui vous balancent : je ne peux pas venir te voir… tu comprends je me protège psychologiquement… mdr ! Ou la copine visiteuse médicale qui n’ose plus t’approcher parce que franchement t’as une tête… Tu fais peur !Heureusement pour moi je suis comme les imbéciles heureux… heureuse de rien.

Trois ans plus tard : métastase au poumon gauche direction bordeaux : ablation d’un morceau certes pas très grand mais aïe quand même 😊. Je rentre ça part en cacahuète à la maison : disputes, coups et blessures , menaces de mort. C’est bon ça suffit ! La guerre se termine dans quelques jours ça aura duré 3 ans.

Août 2018 rebelote : vous avez une tumeur près du cœur sur le poumon droit va falloir opérer et vous enlever le lobe moyen du poumon, je peux vous opérer fin du mois ça vous va ? Ah non je ne peux pas j’ai la rentrée en 6 ème du dernier ! … mon dieu la tête du chirurgien mdr ! Ok pour les vacances de Toussaint…Depuis ça va, pas de traitement, j’ai retrouvé du boulot : secrétaire d un chirurgien viscéral… y a pas de hasard.Je ne considère pas comme une battante loin de là. On n’a tout simplement pas le choix. J’ai la chance d’avoir un humour au second degré qui me fait souvent tourner les choses les plus périlleuses en ridicule.

Mon cancer ça a été ma leçon de vie pas une guerre . Il fallait que ma vie change je n’y arrivais pas… La vie s est chargée du reste. J’ai rencontré des gens patients, médecins, psy, employeur fabuleux. J’ai pris le meilleur et je me suis reconstruite petit morceau par petit morceau. J’ai réussi à vaincre ma peur de tout. S’il revient ? On verra on fera ce qu’il faut.

Quelques fois en rigolant je dis : le bon dieu s’est penché il m’a vue en bas il s’est dit : ah non pitié celle-là elle est trop chiante qu’elle reste en bas !Voilà ma petite histoire. Gardez la tête haute , souriez , chantez, dansez remplissez-vous de tout ce qui vous fait du bien… Respirez…Bon courage à toutes celles et ceux qui vivent le cancer… Il y aura un avant, un après… ne lâchez rien. Bisous d’amour à tous