Voilà 3 ans que je vous envie…

Oh oui je sais bien, je vais sans doute faire râler du monde, mais… On ne choisit pas son cancer, ok, mais quand même quoi… Le cancer du sein est tellement bien pris en charge (effets secondaires, reconstruction, etc), tellement bien médiatisé, tellement bien accepté par la société… Je vous ai longtemps enviées. Epidermoïde vulvaire avec atteinte ganglionnaire distante, à 42 ans. Bim.

Le truc, je ne savais même pas que ça existait ! Une toute petite lésion sur la grande lèvre que 2 gynécos ont laissé dégénérer. J’ai fait comme tout le monde, ce que les médecins déconseillent de faire, j’ai parcouru le net pour essayer de comprendre…

A me battre contre sautes d’humeur & fatigue. On m’a soignée puis lâchée pour « reprendre ma vie ».Oui mais non, pas possible. Il faut tout réapprendre, se redécouvrir, s’accepter, accepter les changements et arrêter de les nier ou les combattre. Des fois je me dis qu’il me faudrait bien une vie supplémentaire pour y arriver !!

4% des cancers féminins, qui ne touchent que des femmes de + de 70 ans, très peu de chances de survie – le fameux « petites cellules ». Gloups. Et là on vous parle de « vulvectomie », hein pardon ? oui-oui, ablation des lèvres, petites & grandes, et du clitoris aussi bien sûr !

Je venais juste de refaire ma vie, après une longue relation compliquée qui m’avait laissée exsangue et sans enfant…Donc oui, parlez-moi de mutilation, de féminité dévastée. De cancer « honteux » dont on tait le nom (je me voyais bien expliquer ça à mes collègues masculins, tiens !). Et la voilà cette fameuse opération, pas franchement courante mais mon chirurgien a été un véritable artiste, il a même réussi à me laisser le clitoris merciiiiii ! Curage ganglionnaire des 2 jambes, niveau lymphoedème on va être servit. 1 mois de cicatrisation, 3 mois de grosses chimio, 40 séances de rayons + chimio de support… et on y croit.

Et on a raison d’y croire. Je ne remercierai jamais assez tous ces médecins, infirmières et tout le personnel, ils ont tous été fantastiques. Contrôles hyper-serrés, car cette petite saleté est sournoise et les risques de récidive trèèès élevés (décidément !). Mais non… 1 an, 2 ans… tout va bien. 3 ans la semaine dernière, on va pouvoir espacer un peu la surveillance et m’enlever la chambre implantable.

L’après » est très difficile. Bas de contention à vie, même en plein été, même sur la plage. Ménopause violente (due aux rayons), un autre combat quotidien… Faire le deuil de mon corps de femme, j’ai pris 20kg en 2 ans, je ne porterai jamais d’enfant. Je n’ai pas perdu mes cheveux, mon protocole risquait juste de tuer mes reins. Et cette fatigue… J’ai l’impression d’être montée dans une voiture qui ne passe pas le contrôle technique et risque de tomber en panne tous les 10km, c’est particulièrement énervant !! Mon mari a toujours été à mes côtés, adorable. Car oui nous nous sommes mariés cette année, il fallait bien qu’on se venge du destin !

Vie sexuelle ? euh… compliquée. Les cicatrices, les chairs ratatinées par les rayons, la ménopause… ça fait beaucoup. Mais on s’adapte. On se réinvente. J’ai une chance folle d’avoir cet homme à mes côtés.

Ah oui et pour enfoncer le clou, infarctus pulmonaire massif il y a un an (double rescapée !!), 6 mois à m’en remettre, la peur que ce soit lié à ma saloperie… Oui d’une certaine façon. Quand j’ai dit aux médecins quel produits j’avais eus en chimio, alors personne ne s’est plus franchement étonné.Et je suis toujours là.