En 2017, il m’a été annoncé à 36 ans un cancer sur la langue alors que je ne fume pas, ne bois pas et je n’ai pas de HPV. Néanmoins je me suis toujours assez mal nourrie : nourriture rapide, pizzas surgelées. Depuis j’ai stoppé ce type d’alimentation. Ce témoignage relate une expérience personnelle, il ne doit en aucun cas être pris comme exemple, sans un avis et un suivi médical, chaque cas, dossier médical étant différent.

# Symptômes = J’avais remarqué depuis plus de 6 mois, la présence d’1 aphte sur ma langue que je soignais avec des produits de pharmacie. Il ne partait pas. J’ai commencé à m’inquiéter quand mon “aphte” a commencé à s’étendre en longueur sur la langue J’avais remarqué que j’étais également extrêmement fatiguée.

# Rdv chez mon généraliste = J’ai consulté mon médecin généraliste puis pris un rdv avec un ORL. Cette ORL m’a indiqué que si un aphte ne disparaissait pas au bout de 15 jours, il fallait consulter un médecin car cela pouvait être plus grave .

# Rdv chez un ORL = Lors de mon RDV chez l’ORL, j’ai compris qu’il y avait un problème car elle a directement appelé un de ses contacts chirurgien ORL à la Pitié Salpêtrière pour me recevoir en urgence.

# Biopsie de la langue = J’ai donc couru à la Pitié Salpêtrière pour voir une chirurgienne ORL qui a pratiqué une biopsie sur ma langue. A la fin de la biopsie, la chirurgienne m’a dit que je n’avais absolument pas le profil type mais que je devais me préparer à ce que ce soit un carcinome épidermoïde , un cancer de la langue. Dans l’attente des résultats de la biopsie, je devais faire en urgence un scanner, une IRM afin de voir si le cancer n’était pas étendu à d’autres organes. J’étais seule à cette annonce et pour moi c’était surréaliste, sûrement un cauchemar, j’allais forcément me réveiller ou alors la chirurgienne se trompait et la biopsie nous aiderait à y voir plus clair.

Je suis retournée travailler mais le fait d’avoir peut-être un cancer sur d’autres organes, m’empêchait clairement de me concentrer sur mon travail et si jamais c’était le cas ? Je n’avais pas fait de testament. Je n’avais rien préparé. J’ai été arrêtée et je me suis concentrée sur mes recherches de rdv, d’information car c’est un cancer rare. Je n’ai pas trouvé sur internet de témoignage récent sur des femmes jeunes, je me suis sentie vraiment seule pendant cette période. Ça été très difficile d’obtenir rapidement un rdv IRM et scanner. J’ai du passer beaucoup d’appels. Passer ces examens a été une épreuve, on s’était tous préparés à la possibilité qu’il y ait plusieurs cancers sur différentes zones.

# 15 jours après = avec les résultats de l’IRM, Scanner, je revoyais avec ma famille, la chirurgienne ORL et le chirurgien reconstructeur. Le résultat de biopsie confirmait le carcinome épidermoïde infiltrant de la langue mobile (cancer de la langue) et ils nous indiquaient quel était leur protocole d’opération.

# protocole d’opération avec greffe lambeau de peau du poignet ou du haut du dos = opération de 12 heures, trachéotomie,exérèse de la tumeur par la chirurgienne (6h) puis reconstruction de la langue par le second chirurgien (6h). J’avais 2 options pour la greffe : soit un lambeau de peau issu de mon poignet soit un lambeau de peau prélevé au niveau du haut de mon dos . On m’a aussi annoncé le curage par prévention de 49 ganglions au niveau de mon cou. La trachéotomie proposée dans le mode opératoire me faisait peur aussi mon conjoint s’est rendu physiquement dans 2 autres hôpitaux afin de m’obtenir au plus vite d’autres rdv.

# D’autres protocoles d’opération étaient possibles =- Un hôpital non expert en cancer m’a proposé une opération moins longue à savoir faire une première opération concernant l’exérèse de la tumeur puis plus tard quand je le jugerais opportun, une seconde opération de construction sans trachéotomie (sauf cas d’urgence respiratoire).- Le dernier hôpital spécialisé en cancérologie m’a proposé un protocole similaire à la Pitié Salpêtrière avec greffe issue d’un lambeau du poignet et m’a indiqué que le reconstructeur de Tenon en partenariat avec la Pitié qui devait me reconstruire la langue était connu et reconnu de ses Pairs, qu’il était à ce jour, le seul à pouvoir me faire 1 greffe issue d’un lambeau venant du haut de mon dos.

Après ces 3 rdv, j’étais encore en pleine phase de réflexion à peser le pour et le contre de chaque protocole et surtout j’avais encore plein de questions à poser avant de me décider. J’ai donc repris un second rdv avec le chirurgien reconstructeur et j’ai emmené ma liste de questions. C’est à l’issu de ce rdv que cela m’a permis de faire mon choix. J’ai souhaité faire la reconstruction à partir d’un lambeau du haut de mon dos.

Cette approche correspondait malgré les risques encourus à mes souhaits de pouvoir manger, reparler le plus rapidement possible et avoir des cicatrices qui se voient le moins possible aussi j’ai confirmé mon opération à la Pitié Salpêtrière après avoir écouté l’ensemble des risques possibles = greffe qui pouvait ne pas prendre, le curage des ganglions qui étaient très proches de la carotide. J’ai également été prévenue que les images IRM, scanner pouvaient ne pas correspondre à la réalité et que c’est seulement en ouvrant et en faisant analyser découpe par découpe au laboratoire qu’ils sauraient où ils devraient s’arrêter. Ma tumeur faisait finalement plus que prévue à l’image et on m’a retiré la moitié de la langue.

# A l’hôpital pendant 15 jours =# Sonde gastrique = Je suis restée 7 jours alimentée par sonde gastrique. La sonde était dérangeante, il y a vraiment des moments ou j’avais envie de l’arracher. Quand mes enfants venaient me voir, avec l’accord de ma chirurgienne, j’enlevais ma sonde pour ne pas inquiéter davantage mes enfants en bas âge et ça me permettait aussi de faire une pause.# Orthophonie = Les 5 derniers jours, j’ai commencé des cours d’orthophonie pour réapprendre à manger et à parler.# Maison de repos = A la fin de mon séjour à l’hôpital, on m’a proposé de partir en maison de repos, mais j’ai refusé, j’avais un besoin vital de me retrouver en famille avec mes enfants. C’est eux qui m’ont donné envie de me battre pour me nourrir malgré les difficultés, et de bien suivre mes cours d’orthophonie..

# Pendant mon arrêt maladie de 6 mois =# cours d’orthophonie = De retour chez moi, j’ai continué les cours d’orthophonie pour me réapprendre à déglutir et pour me réapprendre à parler. Il m’a été difficile de trouver un orthophoniste qui intervienne après un cancer de la langue . Sur les conseils de ma chirurgienne, j’avais anticipé et j”ai tout de même réussi a trouver. Mes proches ne me comprenaient pas trop quand je parlais au début, et me faisait souvent répéter. Je zozotais, les “S” ne passaient pas. J’enrageais, je ne supportais pas de m’entendre parler de cette manière. Quand j’allais chercher mon fils à l’école, j’avais peur qu’on veuille me parler. J’avais du mal à accepter les cicatrices sur mon cou, du mal a accepter que j’étais malade. J’ai été très entourée par ma famille, mon conjoint, mais c’est véritablement mes enfants en bas âge, leur joie de vivre, leur amour qui m’a vraiment aidée et m’aide encore à voir les choses de manière plus légère et positive.# Kiné = J’ai également eu des séances de kiné pour masser mes cicatrices afin de décoller les parties adhérentes sous la peau et les rendre de moins en moins visibles.# 15 jours après mon retour à la maison, les résultats de mes examens au niveau des ganglions étaient bons, aussi , j’ai eu cette grande chance de passer entre les gouttes de la chimiothérapie et de la radiothérapie.# Grâce à ma mutuelle, j’ai eu de l’aide pendant un mois au niveau du ménage car j’étais bien trop fatiguée pour m’en occuper.

# Retour au travail =– Le retour au travail a été difficile, je devais m’extraire de mon cocon protecteur familial et retourner dans le milieu du travail. J’étais très tendue.- J’avais fait une visite de pré-reprise avec mon médecin du travail un mois avant mon retour au travail et que j’ai eu la chance de pouvoir bénéficier d’un accompagnement spécialisé de retour au travail offert par mon employeur.- Pendant mon arrêt maladie, les outils avaient évolué en mon absence. Heureusement, j’ai eu des collègues compréhensifs qui m’ont aidée, expliqué ce qui m’a permis de rattraper mon retard. Il faut avoir assez d’énergie pour se “battre” et se refaire une place au sein de ses collègues. L’entreprise avance elle lorsqu’on est en arrêt maladie, c’est à nous malade de reprendre le train en marche. Mon manager m’a aussi laissée le temps nécessaire pour me remettre à niveau car pendant quelques mois, j’ai eu du mal à me reconcentrer et parfois je faisais des erreurs d’inattention. J’ai eu la chance d’avoir un environnement de travail bienveillant ce qui m’a permis de reprendre peu à peu mes marques et de reprendre pied dans le monde du travail.- Un jour, j’ai reçu un mail de la part de mon employeur m’indiquant qu’un atelier était organisé sur l’accompagnement des salariés malades du cancer dans le groupe. Mon manager a accepté que je passe une journée à échanger avec d’autres malades de ma société afin de savoir quelles actions pourraient être améliorées au sein de notre société pour faciliter le retour au travail des malades et leur travail au sein du groupe.

C’est lors de cet atelier que j’ai appris que 1 000 personnes apprennent chaque jour qu’elles ont un cancer et que parmi elles 400 travaillent. J’étais choquée, je ne pensais pas que cela représentait autant de monde, sans compter les aidants qui sont également impactés par la maladie. Cet échange entre collègues souffrant de la même maladie m’a permis de prendre conscience que je n’étais pas seule à travailler en ayant cette maladie, leur ressenti, leur expérience faisait écho à la mienne, je me suis sentie comprise et moins seule ce jour là.

C’est depuis ce jour que j’ai peu à peu commencé à me remaquiller, à refaire du sport et à vouloir agir afin de transformer cette expérience en quelque chose de positif. Apporter mon témoignage en fait partie.