Cela fait plus d’un mois que je ne me suis pas installée confortablement devant mon écran.

Il me manque pourtant, mais je l’évite volontairement.Ne pas m’autoriser à coucher sur papier ce que j’ai à exprimer est une véritable frustration, mais il y a des périodes ainsi, comme celle que je vis aujourd’hui, ou me taire est ce que je crois de mieux à faire.C’est souvent le signe de dame Colère.

Depuis plusieurs semaines, lorsque l’on me demande comment je vais, je réponds systématiquement la même rengaine sans aucune peine.« Ça va, je gère, j’apprends à vivre avec les effets du cancer, je m’installe des routines pour avoir bonne mine, mon moral est bon comme bonbon, j’avance en toute circonstance ». Et je ne mens pas quand je dis tout cela.

Je passe sciemment sous silence cette Colère, qui en moi, gronde d’impatience.Je n’en parle pas car je ne la comprends pas. Je la ressens, je la vois, elle est bien là.Chaque jour, elle prend un peu plus le pas sur moi sans réussir à lui demander ce qu’elle attend pour s’exprimer.Est-ce mon côté bien élevé qui me permet de la snober ?Est-ce la peur de découvrir ce qu’elle a de si précieux à me dire ?Est-ce tout simplement l’envie de la garder en moi sans trop savoir pourquoi ?

Grâce à elle, cette émotion exceptionnelle, mon corps bouge et surpasse les douleurs, mon esprit s’agite et réagit très vite.Bref, je suis une véritable pile électrique, à partir de midi seulement, mais jusqu’au bout de la nuit assurément.Grâce à elle, je caresse cette croyance de retrouver mon ancienne existence, dans mes rêves évidemment, mais éveillés assurément.

Je passe sciemment sous silence cette colère, qui en moi, bizarrement me nourrit de vie. Je n’en parle pas car je n’ose admettre qu’une telle émotion puisse être au service de bonnes actions.Alors oui, je le sais, chaque émotion est portée par une bonne intention, me diront les « psy » qui ont tout compris.Mais la colère… Sérieusement, je ne l’ai jamais aimée celle-ci.Qu’elle soit froide ou foudroyante, je la trouve bien trop souvent décapante et méchante.Et pourtant, je la regarde s’installer et grandir en moi en me disant que, quoi que je dise ou que je fasse, c’est elle qui décidera du moment précis où elle agira, du sujet précis sur lequel elle hurlera.

Grâce à elle, cette émotion exceptionnelle, je déploie un peu mes « Elles ». Soyez patient, il s’agit bien d’Elles dont je parle et non d’ailes comme vous pouvez l’imaginer. Je ne vais pas m’envoler, car ma colère me tient les pieds sur terre et me demande d’avancer sans me taire.Avec le recul, je constate au fur et à mesure de ma croisade, que par le biais des réseaux et de mes photos, j’exprime des positions plus affirmées, des combats plus engagés, des douleurs plus avouées… Ce n’est pas volontaire, mais bien guidé par cette colère.

Il me semble qu’elle me voit militante.

Elle s’est donné pour mission de m’aider à comprendre que je m’exprime pour Elles, toutes les femmes, qui comme moi traversent cette croisade une, deux, trois fois…Cela peut sembler être une question de vocabulaire juste pour plaire, mais pour moi, c’est vraiment très différent et tellement important.Jusqu’alors je n’ai parlé que de mon coeur, ma vie, mon corps, sans jamais imaginer que mes écrits ou mes clichés avaient un autre rôle à jouer que celui de m’apaiser en priorité.

Il me suffit de tendre légèrement l’oreille pour l’entendre me hurler « mais bon sang Valérie, ton histoire, tes peines, tes ressentis, sont les leurs à Elles aussi ».Je me croyais unique, particulière, mais voici que cette dame Colère me dit que je ne suis qu’une parmi Elles, mais que, comme dans toute Kommunauté, j’ai mon rôle à jouer, si je veux bien l’accepter.

Ce soir, je ne sais toujours pas si cette prise de conscience va changer mon existence, si elle va modifier mes mots et mes photos, si elle va revisiter mes priorités. Peut-être que seule, l’acceptation de cette nouvelle mission était le but caché de dame Colère enragée, sans autre volonté que celle de me faire avouer…