Les jours passent, nos péripéties se tassent. Mon grand garçon a repris le chemin du lycée ce matin. Mon mari et ma fille sont partis au boulot très tôt… Et moi, je suis à la maison, seule, face à mon coeur et ma raison.

Non, je ne vais pas retravailler comme je l’avais imaginé.Toute ma famille est rassurée de cette décision qu’elle estime sage pour mon nichon.Et moi, je ne sais pas, je navigue entre culpabilité et soulagement je crois.

Je suis une bosseuse, une femme d’honneur. Je ne travaille pas pour la gloire mais pour le plaisir qu’il me procure. Je me sens punie, mise au cachot à cause de mes lolos.

Je suis une enthousiaste, une femme de coeur. Je ne peux m’empêcher de penser que, très vite, je vais récupérer et que bientôt j’y retournerai. Mais les médecins le sont bien moins. Ils me disent d’être patiente, que ce marathon exige concentration.

Je suis une leader, une femme de sensation. Je n’arrive pas à me faire à l’idée que mon quotidien se réduise à des siestes et du Kiné. Je me sens enfermée dans mon propre foyer.

Je suis une créative, une femme d’intuition. Mais c’est avec mes collègues que j’aime foisonner. Aujourd’hui, je dois me réinventer si je ne veux pas sombrer. Je me sens vide de contenu, je ne sais par où commencer.

Mes proches pensent que je vais rebondir, que je vais me réaliser durant cet arrêt imposé.Et moi, je ne sais pas, je navigue entre peur et excitation je crois.

Il est vrai que je suis active grâce aux Roses poudrées et que j’ai bien quelques autres idées à explorer. Mais tout cela me donne parfois l’impression que c’est juste une façon de remplir ce vide par des petites occupations.

Et puis, ne suis-je pas en train de prendre le large sans savoir où je vais?

Ils pensent aussi que je dois profiter de ce moment privilégié pour m’occuper de mes enfants, savourer leur présence, me nourrir de leur adolescence.

Et moi, je ne sais pas, je navigue entre honte et plaisir je crois.

Malgré le bonheur que je ressens en leur présence, j’ai si mal d’être auprès d’eux avec ce corps fatigué et douloureux. J’ai envie de me cacher, de fuir leur regard blessé.Ne serions-nous pas aussi bien, comme avant, à nous retrouver le soir pour partager nos aventures et nos espoirs?

Ils estiment évidemment que je dois me poser pour mieux me soigner. Ils ont raison naturellement. Chaque partie de mon corps crie qu’elle est d’accord.Et moi, je ne sais pas, je navigue entre fragilité et combativité je crois.

Ma tête ne peut s’empêcher de lutter contre cette fatalité. Je suis une pro du coup de pied dans le derrière, mais je n’ai plus cette souplesse qui me permet d’atteindre mes fesses.Est-ce que je baisse les bras en acceptant tout ça?

J’ai conscience que ma santé est ma priorité, qu’il m’appartient de me réinventer.J’ai conscience que mes souffrances ne vont rien changer, que c’est à moi de les apprivoiser.J’ai conscience que mes sentiments doivent évoluer, que c’est mon coeur qui doit les raisonner.J’ai conscience que mes plaintes ne vont pas m’apaiser, que je dois les transformer en opportunités.

Et moi, je ne sais pas, je navigue entre mon coeur et ma raison je crois.