Les jours passent et les traitements trouvent leur rythme. Je m’habitue à leurs effets secondaires même s’ils n’ont rien pour plaire. Je panse mes bobos quotidiens par un grand nombre de soins. Je deviens, malgré moi, une experte des recettes de grand-mère et des rituels pour rester belle.   Pour mon ventre, le citron et les Détox apaisent les coliques atroces. Pour mon sein, les séances de Kiné me font espérer un futur à mon néné. Pour ma fatigue, et bien mon lit demeure mon meilleur ami. Pour mes douleurs musculaires, la marche avec l’ami Didier me permet de les apaiser. Pour mes douleurs de pieds, ce sont des nouvelles semelles miracles que je vais essayer. Pour mon état grippal récurrent, le paracétamol, la patience et la diète semblent le rendre moins virulent. Pour mes ongles tous mous, ce sont les petits massages du matin qui les maintiennent sur mes mains. Pour mes allergies, ah oui, les allergies, et bien là je cherche la recette pour l’instant.   Cela ne se voit pas toujours car je suis une super Entourloupeuse, un gangster du cancer, mais tous ces bobos font de ma vie un challenge quotidien car ils me font de drôles de surprises chaque matin. Je les accueille avec soin, je leur parle en douceur pour éviter de leur faire peur. J’avance avec et malgré eux, en priant chaque jour qu’ils se feront suffisamment discrets pour mener mes projets. Mais s’ils ont vraiment envie de m’embêter, dans ce cas, ma liste de recettes me permet de leur claquer le beignet.   Cette vie là, aujourd’hui je l’ai intégrée, digérée, acceptée. Elle ne m’énerve plus, elle a perdu. Tristesse et Colère ont quitté ma bande, Espoir et Envie s’en sont réjouies.   Il est temps maintenant de passer un nouveau cap pour continuer à avancer sans me mentir ni chavirer.   Cette maladie, je la vivais jusqu’alors comme une parenthèse qu’un jour je refermerai à mon aise. Mais non, ce n’est pas le cas, je dois revoir ma ponctuation pour y mettre des points de suspension. Guérison ou rémission ne feront pas partie du vocabulaire de mes experts. Et oui, il a suffit d’une petite récidive et d’un ganglion suspicieux pour me faire passer du côté tragique des maladies chroniques.   Non, je ne vais pas guérir, mais non, je ne vais pas forcément mourir. Oui, je suis malade à vie, et oui, à la culotte je serai tenue et suivie. Non, je n’ai plus de cancer à ce jour, non il n’y a aucun crabe à l’horizon. Oui, il peut revenir, et oui, il peut de nouveau me faire souffrir.   C’est tellement dur à écrire, mais bien plus aisé que de le dire. Ne pas en parler n’est-il pas le meilleur moyen de ne pas exister?   Ce matin, c’est avec mon amie Phanie que nous avons partagé toutes les deux sur ce sujet « pas merveilleux ». Entre elle et moi, c’est si facile d’évoquer notre maladie en toute liberté et sans timidité.   Notre histoire, notre avenir est entièrement à reconstruire pour accomplir des projets et des rêves adaptés. Nos petits démons, notre peur du futur sont à dompter pour nous permettre de nous réaliser. Nos petits amours, nos grands amis doivent être informés, mais c’est bien à nous d’accepter qu’ils n’arrivent pas forcément à l’intégrer.   Malgré cette profonde et tendre conversation qui m’a bien faite avancer, je dois avouer qu’il me reste encore quelques pas à réaliser. Je le sens au fond de moi que je suis toujours au milieu des bois. Mais je suis en route vers l’acceptation de ces fameux points de suspension…   C’est avec une jolie phrase de ma fille que j’ai envie de clôturer cet écrit. « Cesse de lutter pour ne pas mourir et commence à te battre pour vivre… le plus longtemps possible »…