Mon conjoint subit un cancer de la prostate détecté en novembre 2020. C’est vrai que c’est un coup de massue.

Gradué à 8 sur l’échelle de Gleason c’est un cancer qui est alors encore intracapsulaire mais à haut risque de récidive.

Les différents spécialistes rencontrés et surtout son oncologue lui font comprendre que seule l’ablation de la prostate ne suffira pas forcément et lui propose de passer par un protocole de radiothérapie puis de curiethérapie puis enfin d’hormonothérapie.

Nous en sommes aujourd’hui à 27 mois de l’annonce, à 3 mois de l’arrêt de l’hormonothérapie avec des contrôles réguliers chez son urologue avec bilan sanguin, ECBU… Dans quelques jours il doit passer une fibroscopie pour aller voir du côté de la vessie car depuis son traitement il souffre de problèmes urinaires qui ne diminuent pas et ses derniers résultats d’ECBU montrent Leucocytes et hématies en nette augmentation.

Si je ressens fortement le besoin de témoigner aujourd’hui c’est pour parler, entendre et comprendre le réel tsunami que peut provoquer un cancer dans un couple.

Notre vie commune d’alors, et malgré de l’amour encore, battait de l’aile, déjà.

Surtout pour moi j’ai l’impression. Enfin, disons que moi j’arrivais encore à (lui) en parler. Très concrètement.

Mon besoin de faire un break.

Qu’il disait comprendre alors.

Puis l’annonce de ce cancer.

Je ne sais pas comment il le vit intérieurement il n’en dit rien.

J’ai alors cessé de le lui demander.

Il me parle de ses examens à venir qui se présentent mais ne partage pas son appréhension. Ses éventuelles angoisses, que je ressens pourtant fortement quand elles se présentent.

Me sachant sensible, ne veut-il pas m’inquiéter ? Ou en partageant, a-t-il peur de sur-nourrir ses propres inquiétudes ?

Pour moi, ce cancer a terminé de nous séparer. Il dit m’aimer, demandait il y a encore peu beaucoup de câlins, comme il l’a toujours fait, dans l’intimité, car au dehors, lui-même cache son hypersensibilité derrière une façade d’homme assuré. Ce qui a terminé de n’exaspérer et surtout, de m’user, moi qui lui sert de batterie de rechargement.

Aujourd’hui c’est moi qui suis vidée et en colère contre moi-même de ne pas avoir quitté ce couple plus tôt. Mais depuis son cancer je suis pétrie de culpabilité à penser le faire. En même temps je m’étiole un peu plus chaque jour et craint de ne tomber malade à mon tour. D’ailleurs le moindre virus qui m’affecte prend une tournure importante. Aujourd’hui mon stress me déclenche de l’asthme. Je parle de fuite en avant.

Il y a encore très peu, de peur de le perdre, c’était bien ça, je le fuis et je veux fuir. Loin.

J’essaie de me dire que ce n’est qu’une mauvaise passe mais chaque matin, à chaque réveil, souvent en pleurs, je me dis qu’il faut que je trouve le courage de partir.

Là où nous habitons, dans sa région, sa ville de naissance je ne connais personne. Je n’ai pas de famille à qui en parler et jusqu’à maintenant je n’osais pas dire mes souffrances à mes quelques amis, qui de plus, habitent loin.

Je fais semblant, mais je me sens si seule. Nous ne partageons plus grand chose et ce n’est pas nouveau. La maladie n’a rien arrangé. Je rêve de cette pause, qui pour moi dans la tête est déjà plus qu’une simple pause, même si cela me fait peur. Mais je ne trouve pas d’alternative car je crois qu’au fond de moi je sais qu’il n’y en a pas. Son cancer l’a fait se renfermer un peu plus sur lui-même.

Nous avons 12 ans de différence d’âge, lui étant plus âgé et à la retraite depuis 3 ans déjà. Cette différence d’âge continue de se creuser. Nous nous ennuyons ensemble et encore un peu plus depuis cette maladie. J’ai 53 ans et j’ai l’impression que la vie est finie.

Si certains d’entre vous se reconnaissent dans mon témoignage et m’aident à y voir plus clair, par avance merci. Claire.