Derrière sa silhouette généreuse, il y a la délicatesse. Il dit avoir parfois un langage « fleuri », mais sa voix est douce, son regard rieur et clair, son intention est bienveillante.

Georges s’est découvert un cancer du sein* en septembre 2017. Son histoire est peu banale, il souhaite la partager et faire passer un message aux hommes et aux femmes de Chaîne Rose.

Le même cancer, les mêmes symptômes et effets secondaires, mais pas le même traumatisme.

J’ai découvert ce cancer par hasard en sortant de la douche, on n’a pas l’habitude de se faire des palpations nous les hommes. La plupart des gens ignorent que cela peut exister, même les services infirmiers ont été étonnés de me voir arriver la première fois. Cela a suscité des surprises tout au long de mon parcours vous imaginez bien : « ah mais vous faites une mammographie Monsieur ? » ou bien quand j’allais faire faire mes prises de sang, au début on me disait « mais vous êtes sûr que c’est pour vous ? j’ai un warning, on me dit que c’est un examen strictement féminin ». Il y a toute une phase de découverte de la part des professionnels de santé… Au sénopôle c’est différent, il savent, ce n’est pas un sujet, ça les change juste un peu de la routine habituelle !

Quelque part j’étais rassurant pour mes compagnes féminines de combat : elles étaient du coup rassurées que cela n’arrive pas qu’à elles et que j’aie les mêmes symptômes qu’elles. Certaines me disaient se lever le matin, se regarder dans la glace et se mettre à pleurer. Moi je n’ai pas eu ce sentiment par rapport à mon image. J’ai pris du poids, j’ai perdu ma barbe, mes cheveux, mais je l’ai bien vécu. La grande différence c’est que je n’ai plus de sein droit mais vous ne le remarquerez pas.

Alors dans les salles d’attente je m’amusais à dédramatiser les choses en mimant ma sortie de douche, serviette sur la tête, et entreprenant une pose de vernis à ongles sur les pieds. Je les faisais rire, elles rigolaient ! On échappait durant un moment à la réalité du présent. C’était bon.

On est une famille dite « tragique »

« A la base dans la famille, nous sommes une fratrie de 6 frères et sœurs. Sur les 6, trois sont décédés d’un cancer et notre père d’un cancer du pancréas. On s’est rendu compte qu’on avait des gènes qui avaient muté et que nous étions des personnes à risque. Quand on a su pour le cancer du sein d’un de mes frères, diagnostiqué trop tardivement, l’IGR a déclenché les recherches. C’est une démarche assez compliquée à décider.

Moi j’ai un seul gène, le BRCA2, certains de mes frères et soeur ont les deux. Cela fait 10 ans que je sais que j’ai le gène. Très simplement je me disais que ceux qui ont les 2 qui étaient plus exposés que moi. Mais à l’arrivée, sur les 6, nous sommes 5 à avoir un cancer ! Quand on arrive à l’IGR et que l’on donne notre nom, ils nous disent « lequel ??? » (rire). Je sais que j’ai un taux de récidive de 20% à 5 ans, mais chaque jour qui passe est gagné et je positive la vie. »

Le plus dur a été de le dire

« J’avais détecté cette boule dans mon sein mais n’avais rien dit, c’était mon secret depuis un ou deux mois, car je ne voulais pas ennuyer mes frères et sœurs avec ça. Lors d’une discussion j’ai réalisé que je ne devais pas tarder à en parler et dès le lendemain j’en ai fait part à ma sœur, tout est allé très vite par la suite.

Quand mon onco-chirurgien m’a demandé ce qui avait été le plus dur dans la découverte de mon cancer, ce n’était ni la tumeur stade 3 ni le fait d’être opéré, tout cela je l’avais accepté. Le plus dur a été de le dire et de le faire constater par un médecin. J’allais apporter une souffrance supplémentaire à mon entourage et je ne voulais pas ajouter de la tristesse à la tristesse.  Ce qui me soulage c’est que mon frère ne l’a pas su avant de partir… Finalement, le jour où je l’ai dit j’ai été rassuré, pris en main, j’y suis allé avec mon optimisme. »

La solitude des traitements

« Je suis pourtant un petit peu fanfaron, mais il y a des moments de hauts et de bas. J’ai eu les examens classiques, trois semaines après j’ai été opéré. Puis j’ai eu 16 séances de chimio, j’étais parfois très fatigué mais avec peu de nausées. La deuxième cure de 12 séances hebdomadaires s’est faite toujours avec le sourire car l’accueil était si adorable, mais le dernier mois fut interminable…

On a besoin de l’entourage mais c’est compliqué de demander. Les enfants ont leur vie et je suis séparé depuis longtemps de leur mère. J’ai donc vécu toute ma chimio seul avec parfois des moments de blues et de doute. Fort heureusement j’arrivais à en parler à mon médecin et j’avais globalement le moral. J’étais occupé à « tuer le cancer », je voyais tous les jours mon entourage, proches, soignants, tout faire pour le tuer avec moi, avec un dévouement que j’admire totalement.

Je ne travaille plus. J’ai arrêté en 2016 quand j’ai su que mon frère ainé avait un cancer. Je ne savais pas combien de temps il allait vivre et je voulais prendre le temps de partager de bons moments avec lui. J’avais 60 ans et la caisse de retraite m’avait annoncé que je pouvais partir, Je me suis dit ok je pars ! Cela m’a permis d’aller voir mon frère une semaine par mois, des moments de partage importants que je n’avais pas eus avec ma sœur, je ne voulais pas que cela se reproduise. J’aimais mon travail mais je ne regrette pas les moments passés avec mon frère ça a été magique pendant trois ans.

Ce qui est difficile c’est de rentrer dans le monde des « inactifs ». Étant très porté sur l’engagement associatif la seule chose que j’ai souhaité faire c’est adhérer à une association contre le cancer du sein mais ce fut impossible de trouver un bulletin d’adhésion en ligne. Je voulais simplement encourager par mon expérience, ceux qui traversent le cancer…

On peut souffrir de la solitude avec sa maladie même si ça se passe bien avec son environnement. Je pense que c’est accentué pour les femmes qui souffrent dans leur chair avec un cancer du sein.

Dire aux hommes et aux femmes

Je trouvais intéressant de dire que l’homme est « capable » d’avoir les mêmes soucis même s’il y a moins de 1% des cancers du sein déclaré. Je veux dire aux hommes que oui ça existe et qu’il n’y a pas de honte à avoir un cancer du sein. Le premier geste à faire est la palpation du sein, parce que le médecin n’ira pas regarder de lui-même. Il y a des hommes qui décèdent de ce cancer parce qu’ils attendent trop longtemps avant d’en parler et de consulter. On a des seins nous aussi !

On a une souffrance parce qu’on a un cancer mais je ne l’ai pas vécu comme peuvent le vivre les femmes, parce que l’impact n’est pas le même. J’ai rencontré des femmes désespérées parce que ça a bouleversé leur vie autour du rapport à leur image et de leur conjoint. J’ai vu des femmes désemparées. Mon vécu est complétement différent, pas aussi choquant. Je comprends mieux leurs difficultés et ce qu’elles peuvent vivre. Je suis dans l’empathie totale avec elles, je comprends leurs souffrances.

J’aimais la vie et après ce cancer je la trouve encore plus belle. On relative les choses, cela apporte à la fois de la distance et de l’intensité, le sentiment d’être dans la vraie vie et de la savourer davantage !

*Les hommes possèdent également des seins qui sont toutefois moins développés que ceux des femmes. Le cancer du sein chez l’homme est rare. Moins de 1 % de tous les cancers du sein affectent les hommes. Il est cependant important que les hommes sachent qu’ils peuvent être concernés par ce cancer, notamment afin de ne pas négliger les symptômes.