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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
Depuis 15 ans, tu étais à mes côtés. Toujours souriant, toujours présent. Cette saloperie de crabe au sein métastasé au foie m’a appris qu’il faut apprendre la patience, être entourée d’amour et pouvoir compter sur l’autre. 8 chimios différentes (de 12 à 20 séances par chimio), 1 test clinique de 42 séances, une mastectomie, radiothérapie et traitement toutes les 3 semaines depuis 14 ans. Je pensais avoir tout vécu pour repartir d’un pied serein en ayant appris à mieux connaître les besoins de mon corps et enfin en prendre soin.
Tu pensais aussi avoir tout vécu. En mai dernier, tu es parti rejoindre les étoiles après 2 mois d’âpre combat contre un cancer du poumon. Je pensais être armée pour t’épauler, pour t’aider à sortir vivant de ce marasme. Trop tard. Je suis arrivée, pour la première fois de ma vie, en retard. Le crabe n’a pas attendu, il t’a croqué. D’un coup. Notre amour si pur, si fusionnel, passionné qui était bien parti après 20 ans pour durer toute la vie. C’est ce qu’on dit. Mais qui sait d’avance, la durée d’une vie. Crabe ou pas. On se voyait tels deux petits papy/mamy sur un banc vers les 90 ans, toujours occupés à rire de tout, à s’amuser comme des enfants.
Maintenant, le long chemin du deuil à apprivoiser « plus jamais ensemble ». Je reste forte, mais tu me manques tellement. J’ai enfin compris que ton rôle d’accompagnant n’a pas dû être drôle tous les jours. Tu me couvais, tu me protégeais et j’aimais ça. Toujours le sourire vissé aux lèvres, le bon mot qui fait rire, tous ces petits riens qui font tellement de bien, quand on se sent diminué. J’aurais échangé ma vie pour te remercier de tout cela. Je suis certaine que tu as souvent caché tes larmes pour ne pas m’inquiéter. Et bien moi, je n’ai pas pu les cacher, je les ai juste retenues pour mieux les déverser après ton départ. Vole là-haut et surtout reste celui que tu étais à mes yeux… l’homme formidable de ma vie, celui qu’on ne rencontre qu’une fois en se disant, du premier regard, c’est lui.
Photo : Julian Hills