Damien Dubois, président de l’association Aider à Aider, n’en finit pas de faire bouger les lignes en rapprochant les acteurs du monde médical au service des malades et de l’organisation des soins. De son expérience de la maladie à l’adolescence, il a fait une force. Et trouvé sa juste place. Rencontre.

Damien Dubois, vous êtes engagé dans le milieu associatif depuis près de 30 ans. Quel a été votre déclic ?

À 15 ans, j’ai eu une leucémie lymphoblastique aiguë suivie d’une récidive quatre ans plus tard. Cela a été le moteur de mon engagement personnel et professionnel auprès des patients. Être adolescent m’a fait toucher du doigt les besoins particuliers à cet âge. A l’époque, je me suis rapproché de Choisir l’espoir, une association qui accompagne des enfants malades en leur rendant visite à domicile ou à l’hôpital. Un « grand », qui avait été malade cinq ans avant, venait me voir. Cela m’a beaucoup aidé. Plus tard, j’ai voulu faire comme lui en rendant visite à un adolescent mais j’ai trouvé cela très dur. Le comité de la ligue contre le cancer du Nord m’a alors proposé de témoigner sur cette place à part des ados malades.

Vous avez donc témoigné lors des premiers États généraux des malades du cancer le 30 novembre 1998. C’était une petite révolution dans le monde de la santé ?

Tout à fait. Ce jour-là, j’ai rencontré d’autres jeunes patients, comme Chloé Grimberg. De cette rencontre est née l’association Jeunes solidarité cancer, pour rompre l’isolement des jeunes malades et revendiquer une meilleure prise en charge. C’est la fierté de ma vie, avec plus récemment l’arrivée de ma fille. Nous avons notamment lancé en 2000 un forum Internet permettant aux jeunes d’exprimer leurs questions, leurs angoisses et de recevoir des réponses, du soutien. Dix ans plus tard, le point d’orgue a été notre contribution aux mesures d’accompagnement social du plan cancer et à la création de services hospitaliers spécialisés pour les adolescents et les jeunes adultes atteints de cancer (AJA), sur le modèle de Gustave Roussy. L’exploit étant d’avoir réussi à faire dialoguer des cancérologues pour adultes et des cancérologues pédiatriques.

Tout en devenant journaliste santé, puis communicant en santé, vous avez poursuivi votre engagement associatif en rejoignant Cancer contribution, puis, plus récemment, l’association Aider à Aider. Quels sont ses objectifs ?

Aider à Aider est dans la continuité de mon engagement bénévole et/ou professionnel dans ces associations et dans d’autres. Au départ, l’objectif était de développer des outils pour aider les associations de patients concernés par le cancer à aider les malades : annuaire des associations, référencement d’événements et d’articles au service des associations de patients. Depuis deux ans, Aider à Aider a opéré un virage en s’ouvrant plus largement aux pathologies et situations chroniques qui partagent un grand nombre de besoins en termes d’outils proposés. D’autre part, Aider à Aider s’ouvre à l’ensemble des engagements quels que soient leur forme ou leur modèle. « Les Patients s’engagent » est la première concrétisation de ce virage. On peut y découvrir 80 interviews de patients partenaires, formateurs, blogueurs, représentants dans diverses institutions ou établissements sanitaires et médico-sociaux, associatifs, salariés ou entrepreneurs, startupers…, qui participent à une meilleure prise en charge adaptée aux besoins des patients. Par exemple, les parcours aussi divers que variés de Bertrand Delhom, patient aventurier, de l’association « Neptune, gagner avec un Parkinson », Guillemette Jacob, fondatrice de Seintinelles, Sabine Debremaeker, fondatrice de La voix des migraineux, Margot Turcat, qui a réalisé une BD pour expliquer l’AVC, Sabrine Dugast, patiente-partenaire et fondatrice de Kocoon, un lieu de vie et de soutien pour les malades du cancer en Vendée…

« L’innovation en santé vient des patients. Je suis impatient de voir quels changements l’avenir nous réserve ».

Damien Dubois

Il y a aussi les podcasts, « Engagés ! Les patients en action » : en quoi consistent-ils ?

Oui, dans la continuité de la plateforme, en partant de mon parcours personnel et des rencontres avec des patients, je réalise à travers ces podcasts une enquête sur les ressorts et les rouages de ces nouveaux modes d’engagement. Le format podcast permet d’une part de toucher un public plus large via les plateformes de diffusion et surtout entraîne l’auditeur dans cette enquête pour mieux comprendre qui s’engage aujourd’hui, pourquoi, comment, avec quel résultat. Avec leur cœur et leurs mots, ils me racontent leur parcours et les actions qu’ils mènent pour améliorer le parcours de soins et le quotidien des patients : par exemple un groupe de parole, la création d’une start up, … (voir encadré). Je retrouve un peu mes premières amours professionnelles de journaliste radio.

C’est tellement inspirant qu’ils ont reçu le Prix Coup de cœur du jury lors de la 32e édition du Festival la Communication Santé.

J’étais très heureux et fier de la reconnaissance de ce travail collaboratif. Même si c’est ma voix qu’on entend, c’est un vrai travail d’équipe et de collaboration entre l’association, laboratoire et podcasteur. Nous avons œuvré main dans la main à chaque étape dans un super état d’esprit. Notre réaction enthousiaste a d’ailleurs été spontanée et commune. Ce prix est aussi la reconnaissance de l’intérêt de réfléchir ensemble sur ces nouveaux modes d’engagement des patients.

Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Nous souhaitons valoriser l’engagement patient, avec ses différents rôles et ses différents statuts actuels. Une nouvelle cartographie de l’engagement patient est en train de se dessiner, qui va beaucoup plus loin que le modèle historique du bénévolat associatif dont je viens. Nous participons à l’éclairage sur cette « cartographie ».

Cette évolution de l’engagement patient est-elle suffisamment prise en compte par les institutions ?

Bien que les mentalités évoluent, on note encore une petite résistance de la part de certains professionnels de santé, parfois due à une méconnaissance. Aujourd’hui, il existe des diplômes de patients experts. Même si j’étais un peu dubitatif au début, me demandant s’il fallait forcément être formé pour être engagé, les faits sont là. L’innovation santé vient des patients. On ne peut pas l’ignorer. Nous devons pouvoir travailler en complémentarité, être de réels partenaires, patients et acteurs de santé assis autour de la même table. L’apport des patients experts, partenaires, engagés, a un véritable impact, même sur le plan économique. La chercheuse Olivia Gross rédige d’ailleurs un rapport sur les nouveaux rôles et modèles d’engagement des patients. Il sortira bientôt. Cela fait partie de la Stratégie Nationale de Santé (2019-2022) qui incite à « impliquer les usagers dans les actions de recherche et d’amélioration de la sécurité et de la qualité de l’offre de santé ». Après le patient « formateur », « expert » « partenaire »…, salarié au sein de certains centres, fédérations, cliniques …, nous allons voir émerger de nouveaux modèles. L’avenir est à la co-construction. Le rôle de facilitateur, de passeur, de metteur en lien est essentiel pour accomplir ces défis. Je le pratique au quotidien aussi au sein des collectifs comme « Action Patient » ou « Patient sans voix » ou en travaillant avec les différents acteurs de santé dans l’amélioration des parcours de soins et de vie de chacun. Mon parcours personnel, associatif et professionnel forme un triptyque au service de cette co-construction.

Propos recueillis par Céline Dufranc

Envie d’en savoir plus ?

Aideraaider.fr

Cancer-supporters.fr

Kocoon : Ensemble Autrement

Podcast : Lespatientssengagent.fr

AIDER A AIDER : un hub inter-associatif efficace

Aider les associations à aider les patients, grâce à un hub associatif, c’est la mission de l’association Aider à Aider, lancée il y a 5 ans par divers acteurs associatifs, parmi lesquels Damien Dubois, Guy Bouguet, président de l’association Ensemble Leucémie Lymphome Espoir (EllyE) et Dominique Thiry (fondatrice de Juris Santé). 
Avec près de 1500 associations rien qu’en cancérologie, savoir « qui fait quoi et à quel endroit », en cherchant à mutualiser les moyens pour éviter que tout le monde fasse ou refasse la même chose, est plus qu’utile, dans une démarche d’empowerment associatif et de renforcement de la démocratie en santé. Concrètement, cette plate-forme, qui s’est ouverte à d’autres pathologies, propose une série d’outils en ligne et hors ligne ainsi qu’une plateforme numérique.

On y trouve :

  • Un annuaire des associations
  • De nombreux articles mettant l’engagement des patients en avant
  • Patients sans voix : un groupe de travail multidisciplinaire composé de représentants de patients, d’aidants et de représentants institutionnels qui réfléchit à des solutions permettant une meilleure reconnaissance des patients atteints de maladies non représentées
  • Les patients s’engagent, une plate-forme co-créée par Damien Dubois, Anne Schweighofer et le Dr Albane Parizet, qui recense les projets inspirants, initiés ou co-portés par des patients ou des proches.