Pour célébrer ses 10 ans d’existence, Chaîne Rose a invité plusieurs de ses contributeurs/rices à raconter tout le chemin parcouru depuis leur premier témoignage. A nous confier ce que témoigner leur avait apporté. Ce que le cancer leur avait révélé d’eux-mêmes… Grâce à vous, aujourd’hui plus que jamais, Chaîne Rose représente une communauté engagée, solidaire et inspirante.

Si je peux en convaincre quelques-uns d’aller baisser leur pantalon chez leur médecin, nous aurons gagné !

Que vous a apporté le fait de témoigner dans Chaîne Rose ?

L’opportunité de livrer un combat. Lorsque j’ai annoncé à ma famille et à mes amis, que mon médecin traitant m’avait détecté une anomalie sur le côté gauche de ma prostate, personne n’a voulu admettre qu’il pouvait s’agir d’un cancer alors que j’en étais intimement convaincu.

Puis, au fil de mon parcours de soins, je me suis aperçu que les hommes ne répondaient pas du tout ou très peu aux posts que je publiais. Seules des femmes réagissaient. J’avais un peu la sensation d’être seul à oser parler, un homme de Cro-Magnon. Et pourtant, je restais volontairement très soft dans mes écrits. Depuis, j’ai changé.

Alors, quand l’opportunité s’est présentée de parler sur des sites établis comme « Chaîne Rose », je n’ai pas hésité. Je m’étais aussi aperçu en les parcourant que les cancers masculins y tenaient une place assez anecdotique. Il fallait donc parler pour tenter de réveiller un peu toute cette gente masculine qui se « fout » un peu de sa santé et de tout ce qui concerne la prévention. Alors aborder tout ce qui peut impacter leur virilité, c’est vraiment TABOU. Tout reste à faire.

Avant, j’étais un peu pareil, mais une promesse faite à mon épouse, peu de temps avant qu’elle nous quitte, m’a obligé. Et depuis l’annonce de mon carcinome prostatique, je me suis aussi rendu compte que les femmes faisaient d’OCTOBRE ROSE, un mois de l’année incontournable, dédié aux cancers du sein. Je participe d’ailleurs régulièrement aux manifestations organisées à ce profit. Pour Movember, en dépit des actions qui commencent à se développer, notamment cette année, les hommes restent très, trop loin de ce mois dédié. Se laisser pousser la moustache n’apporte pas grand-chose. Aujourd’hui, la majorité des hommes ne se rasent plus qu’avec des tondeuses qui leur font une barbe et une moustache de trois ou quatre jours. C’est la mode !

Alors, parler pour démystifier cette forme de cancer et briser les tabous qu’elle engendre, devient un combat. Quand je montre une image d’un toucher rectal, elle déclenche beaucoup plus d’émojis s’esclaffant que d’émojis solidaires. Comprenez ce que vous voulez ! Alors témoigner sur Chaîne Rose, c’est un peu comme employer la « Méthode Coué » : plus nous parlerons du cancer, plus nous aurons de chance d’être entendus.

Le cancer de la prostate n’est pas un petit cancer. Par le nombre d’abord, puisqu’il touche un peu plus de 50 000 hommes par an en France et ensuite par la réputation qu’on lui donne. Comme le cancer du sein, il se soigne bien et se guérit très bien. Mais là, mes amies Guerrières me soutiendront quand je dis : « Oui, on ne peut pas le nier, mais à une condition, c’est qu’il soit dépisté à temps ». Comme beaucoup de cancers d’ailleurs. Une petite anecdote pour terminer. Quand on me dit « Heureusement que tu as été détecté à temps ! ». Je réponds « Oui, à très grand temps, quelques mois plus tard et je ne serai plus là pour en parler. » Sans aucun symptôme, le mien a été classé « Gleason 8T3a », ce qui se traduit par stade 3 très avancé, sorti de sa capsule et ganglions touchés. En clair, à haut risque. Alors, si je peux en convaincre quelques-uns d’aller baisser leur pantalon chez leur médecin, nous aurons gagné.

En quoi le cancer a-t-il transformé votre vie ?

Ma rencontre avec le cancer a profondément transformé ma vie. J’ai commencé à le croiser en 2013, quand il m’a enlevé mon épouse en huit mois, en s’attaquant à son foie. Cinq ans après, c’est à moi qu’il s’attaque au niveau de ma prostate, et non content de faire irruption dans ma vie, il récidive depuis le mois de mars en métastase lombaire. Une bonne partie de mes rêves s’est envolée avec le décès de mon épouse. Je suis devenu beaucoup plus terre à terre, ne prévoyant plus rien à longue échéance. Je vais bientôt fêter mes 72 ans. Et même si j’ai pris une grande déflagration physique, je vis.

Je fais beaucoup de choses, toujours à l’écoute de mon corps.

Malgré les douleurs liées à la prise d’hormonothérapie et celles liées à la métastase, je n’ai pas besoin d’aide pour les tâches journalières comme la toilette, la cuisine, le marché, les courses, … En revanche, je me fais aider pour le ménage et les gros travaux de jardinage.

Métastase ou pas, je fais toujours du vélo, aussi souvent que possible. Je ne cherche en aucun cas la performance. Je lis aussi énormément. J’adore la musique et l’écriture joue un très grand rôle dans ma thérapie. Je suis redevenu moi-même, à l’écoute de la nature que je photographie très souvent et à l’unisson de mon village, que je parcours très régulièrement. Et puis, je consacre le plus de temps possible à ma famille. Je pense que c’est un super programme en attendant ce qui peut encore m’arriver… Car le crabe est tenace.

Claude a témoigné sur Chaîne Rose en 2022.