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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
Nous n’avons pas toujours été copains tous les trois.Lorsqu’ils ont pointé le bout de leur nez, j’étais bien trop petite pour les adopter. Pour me montrer leur existence, c’est autour de mes neuf ans qu’ils m’ont apporté les premières souffrances.
J’ai longtemps lutté avant de les accepter.Je l’aimais tant mon bikini rayé… À cause d’eux, j’ai dû le remplacer par un grand maillot de bain uni pour les camoufler. Mes bébés nichons perturbaient les jeunes garçons. Je leur ai proposé de ne pas regarder mais je n’ai pas vraiment été écoutée. Ces deux petits boulets attiraient la curiosité.
Mais j’ai su les aimer et apprécier leur compagnie.Bien que parfois trop imposants dans mon joli justaucorps blanc, je ne leur en ai jamais voulu, ils étaient si beaux et si tendus. Très rapidement, ces petits seins sont devenus miens. Ils ont grandi à mes côtés et je m’y suis bien habituée. Je ne les ai jamais réellement exploités au titre de ma féminité mais j’ai aimé les présenter avec des jolis décolletés.
Ils n’ont pas toujours été tendres avec moi.Il y a quelques années de cela, ils ont fait des dégâts, enfin surtout un… le droit. Sans douleur, sans blabla, il a engagé un combat. Mais, je l’aimais celui-là, je ne pouvais pas concevoir que ce serait lui ou moi. Je l’ai conservé en partie, j’ai pris soin de lui et surtout, j’ai continué à le chérir et le vêtir. J’ai même attaqué quelques rénovations de son compagnon pour qu’ils continuent leur chemin main dans la main.
Malgré tous mes efforts, ils persistent à me pousser vers la mort.Mon sein droit a décidé d’enclencher de nouveau le combat. Je n’ai pas compris ce qui lui a pris. Pourquoi remet-il cela? Quand on aime, on ne se sépare pas… Et puis, il a oublié son ami, son double, celui qui penche un peu plus bas. Il va le planter là et le laisser tout seul avec moi? Et bien oui, cela ne le dérange pas. Afin d’éviter la souffrance de cet abandon, c’est une prothèse que je propose au compagnon. De cette manière, rien ne change ni pour lui, ni pour moi.
J’ai tout fait pour les garder, ce sein gauche et l’adopté.Aujourd’hui, les choses ont encore évolué, l’ami gauche me lance quelques signes d’hostilité, et la prothèse ne se trouve pas à son aise. Cela n’est pas un hasard tout compte fait. Depuis leur arrivée, à ces petits nénés, c’est toujours à deux que j’ai pensé à eux. Je suis triste de devoir les abandonner, de mutiler une part de mon identité. Je suis inquiète de les arracher de mon corps, de ne plus être capable du moindre effort. Je m’en veux de les traiter de petits morveux quand je pense à eux. Je suis en colère de les sacrifier au profit de ma destinée.
Car, tout au long de notre histoire je les ai aimés.Leur départ ne m’empêchera pas de courir, ou de marcher, de me nourrir ou de conduire, c’est important de me le dire. Je veux pouvoir penser à eux avec nostalgie pour les bons moments passés. Je veux ne pas les regretter. Je veux continuer à les aimer. Au revoir les amis, merci pour le chemin parcouru. Merci pour tout ce que vous m’avez appris. Merci pour tout ce que j’ai ressenti.
Surtout ne m’en voulez-pas de vous quitter pour rester sur pied. Ne m’en voulez-pas de choisir la vie plutôt que vous mes amis.C’est en famille que je vais passer ces derniers jours en votre présence. Je suis certaine que vos oreilles vont siffler, que le bouchon d’une bonne bouteille va sauter. Nous parlerons de vous c’est promis et trinquerons à ma santé aussi.