Mon octobre rose ce 4 octobre 2019 : cancer du sein stade 2 hormonodependant HER2 négatif.

Opération bien passée, la tumeur est enlevée, chambre implantable posée. Nous sommes un vendredi, le lundi j’allais travailler.

Puis s’en suit la série des consultations, la rencontre avec l’oncologue :

« Docteur je n’ai pas le temps pour le cancer, j’ai une petite fille de 5 ans, un travail de prof que j’adore, je ne perdrai pas mes cheveux longs, je vous parie le champagne ».

« Madame, 95% des femmes perdent leur cheveux ».

L’oncologue était clair, il voulait que je réalise ce qui m’attendais. Je connaissais déjà l’histoire : à 14 ans ma maman avait eu le même parcours en 1999. 20 ans après c’était mon tour. Visite du service de chimio fin octobre avec mon papa. Et cette phrase qu’il a dite et qui m’a beaucoup aidée : « ce n’est pas la guillotine ». Il avait raison.

Débute alors les 6 chimios du 20/11/2019 au 04/03/2020. Le produit assassin de mes cheveux puis 3 autre. Je continue de travailler, c’est une volonté, mes élèves sont adorables. Je continue toutes mes activités. Les chimios passent sans effet secondaire particulier à part la perte de 70% de mes cheveux. Le casque de glace fonctionne, je m’accroche et l’oncologue m’apporte le 22/01/2020 une bouteille de champagne en pleine chimio : j’avais défié ses statistiques (pas malade, rien). Sous chimio ils repousseront même et en mai 2020 pendant les 34 séances de radiothérapie, j’ai ma première coupe courte avec des cheveux épais et de 10 cm déjà ! Là encore je n’étais pas une statistique.

Opération du curage ganglionnaire le 19/03/2020 puis radiothérapie pendant le confinement, j’avais cette liberté de sortir pour ça. 2 mois hors du temps où tout le monde était enfermé chez soi et moi je voyageais pour me soigner.

Puis le 5 juin 2020, fin des mois de traitements, début de la rémission et de l’hormonothérapie. Je ressens le « même manque » que le 04/03/2020 à la fin de la chimiothérapie. On m’enlevait « ma canne » pour me demander de marcher seule. Je me sens un soldat revenu du front à qui on dit « retourne d’où tu viens comme avant ». Mais ce n’est plus comme avant.

Malgré 9 mois de traitement bien passés où j’ai eu cette chance de ne pas me sentir malade, il faut quand même vivre avec cette peur insufflée par le cancer. Je n’aime pas ce mot, je parlais toujours de « mon œuf kinder ».

Été 2020 début du traitement préventif, tout se passe bien. Les cheveux poussent, le premier bilan d’octobre 2020 est top. Le cancer commence à devenir un vieux souvenir qui ressurgit parfois la nuit. Nouvelle rentrée devant mes élèves. Le temps passe…..

Mars 2021 : bilan classique post cancer. Mon gynécologue souhaite m’opérer le 19/03/2021. Un petit kyste à l’ovaire droit bénin d’aspect. C’est mieux vu les antécédents. Opération bien passée, même chirurgien gynécologue que l’œuf kinder et le curage. Décidément il m’aura vue toute nue plusieurs fois ! A chaque fois on en rigole !

Il est 15h quand le 19/03 il revient me voir dans la chambre : ce petit kyste bénin cachait un cancer des ovaires. 15h15 je dois me faire à l’idée qu’à 35 ans, je suis ménopausée, il m’a tout enlevé, ça part en analyse mais dans mon ventre ce n’est pas beau : il me parle du rectum, du péritoine, de mon foie. 15h20 j’essaye de ne pas paniquer. Protocole covid je suis seule dans ma chambre, pas le droit aux visites.

Ma seule pensée : comment je vais l’annoncer à ma maman ? Pourquoi penser à ma maman : parce que le 5 novembre 2019, 1 mois après mon opération, elle a été opérée d’une mastectomie car elle a fait « le cancer du chagrin ». 20 ans tranquille, et là, mon papa et mes 2 soeurs, doivent être forts pour notre maman et pour moi. Maman aura de l’hormonotherapie pendant 5 ans. Elle a 58 ans aujourd’hui, ça fait 2 ans, c’est difficile comme traitement pour elle mais elle tient. Vous penserez que c’est génétique chez nous: absolument pas. Aucun gène connu ni gêne rare ni rien du tout. En janvier 2020 j’ai fait les tests et rien alors à ce moment là, on m’a dit que mes ovaires n’étaient pas inquiétants …. Pourtant à l’été 2020, j’avais envisagé qu’on me les enlève. Mais en France ça ne se fait pas vraiment. Moralité : je ne referai pas l’histoire mais toujours écouter ses pressentiments et maintenant je veux partager mon histoire.

Revenons à ce 19 mars où je prends un coup de chaud. Je rentre chez moi le soir, il faut l’annoncer à ma maman sans dramatiser. Ma seule obsession : mes cheveux. Ça peut paraître dingue, mais ma seule angoisse c’était de perdre à nouveau mes cheveux. Ma petite sœur infirmière me rassure : ça ne tombe pas tout le temps pour la chimio du cancer de l’ovaire. Chose qui sera confirmée par mon oncologue : maintenant je prends une carte d’adhésion avec lui !

Nouveau parcours cette fois hyper anxiogène du style montagne russe. 26 mars 2021: confirmation cancer de l’ovaire. Et là débute 15 jours d’examens non stop tous les jours à faire à 150 km de chez moi avec les allers retours . Le 30 mars, une opération est programmée le 13 avril pour enlever le rectum, l’utérus, le péritoine etc etc. Puis chimiothérapie dans la foulée. Le 2 avril résultat de scanner : la chirurgienne (cette fois pas le chirurgien avec qui j’ai pris des habitudes !) d’un grand centre m’annonce devant mes 2 sœurs et mon conjoint qu’elle ne m’opère plus car j’ai des métastases aux os du bassin, le foie à vérifier, de la maladie sur le rectum voire plus, le péritoine etc etc.

Ma seule question : « est ce que je vais voir ma fille grandir ? ». Sa réponse « je ne sais pas ». Je suis en colère, pas d’émotions. J’ai juste besoin de solutions. Elle n’arrête pas de me dire qu’elle n’a jamais vu ça, que je suis un cas rare. Moi je lui demande juste qu’à la rareté il y ait un traitement. Elle est jeune, elle est maladroite, elle ne me connaît pas, je ne suis pas une statistique de ses livres …. Je repars avec d’autres examens à faire : échographie hépatique, scintigraphie osseuse et biopsie osseuse.

La veille je disais à mes parents : au pire si le scanner montre davantage de maladie ce n’est pas grave ils vont me soigner. 3 avril, mon oncologue a préféré m’appeler et me dire cette phrase pour me faire redescendre d’un étage :

«  Vous aviez autant de chances de gagner au loto que de faire 2 cancers sans lien en 2 ans ».

Le 4 avril je fêtais mes 36 ans plus sereine grâce à lui. Semaine du 5 avril : échographie hépatique montre que ce sont des angiomes ! Ouf ! Je ne scintille pas pour les os ! Ouf

5 avril 2021. Mes cheveux ont bien poussé, j’ai quasiment un carré. Ici avec mon futur mari qui m’a demandé en mariage le 4 avril 2021 (date de mes 36 ans). Voilà 15 jours que nous savons que j’ai un cancer de l’ovaire. La première chimio aura lieu le 20 avril 2021.

Biopsie osseuse et résultat 15 jours après, encore une exception : ce sont des métastases du cancer du sein mais elles sont triple négative. Inexplicable !

Ma petite sœur réussit à avoir RDV à Léon Berard car nous avions besoin de réponses et surtout de savoir s’il y avait des cas comme moi. Mon oncologue magique de mon petit centre de chimiothérapie est favorable et à partir de ce moment il va travailler en collaboration avec le cancérologue de Lyon. Je suis bien reçue à Lyon, je suis rassurée, on m’annonce le plan.

« Oui madame, vous êtes exceptionnelle mais on a un plan ».

Le 20 avril 2021 je débute 3 chimios de 5 heures. Une grosse chimio, je continue de travailler, j’en ai besoin. Fin juin, je suis opérée pour l’opération d’une vie, ma seconde guerre mondiale pour signer ma seconde armistice ! 10 jours de patience de résilience. Le chirurgien de Lyon est le meilleur. Le post op est lourd : 10 jours à regarder le plafond , à attendre que le temps passe, à être alimentée par voie, perfusée, drainée, sondée etc etc. Retour maison mi juillet pour une convalescence de 15 jours. Je me remets vite, je fais tout pour ça. Retour chimio le 4 août mais cette fois toutes les semaines pour 9 semaines. Pas d’effets particuliers, juste fatiguée.

J’ai perdu mes cheveux en juin, je me suis résignée. J’avais mis 9 casques de glace aux 2 premières chimios. Trop longs trop contraignants. J’ai racheté 2 chevelures , j’en ai 3. Une seule remboursée. Il faudrait que ça change ….

Aujourd’hui nous sommes le 6 octobre. J’ai terminé mes 9 semaines de cure, j’ai fait ma rentrée avec mes élèves début septembre en mi temps thérapeutique. Cette fois un peu de temps pour moi. Aujourd’hui j’ai débuté le nouveau traitement pour 15 mois. C’est plus cool. J’ai fait mon scanner de contrôle : plus de maladie, l’opération a été un succès. Et mes os sont cicatrisés. C’est la bonne nouvelle. J’avais accepté de vivre avec.

Je ressens à nouveau le manque de « ma canne ». Mais la surveillance sera comme du lait sur le feu tous les 3 mois. La vie se fera de scanner en scanner. Je vais aussi débuter un traitement par cachet tous les jours à vie. Je me laisse le temps de récupérer avant de le commencer. Mon oncologue a validé. Aujourd’hui c’est lui qui a eu sa bouteille pour le remercier. La route est encore longue mais je me sens plus vivante que tout le monde. Moi je sais ce que c’est de vivre et de profiter.

Ma fille, ma merveille a 7 ans. Elle est venue visiter la chimio de maman. C’était une nécessité. Il n’y avait plus que moi en service, mes copains et copines de chimio (70-90 ans) avaient terminé. Elle est apaisée, je le suis aussi.

29 septembre 2021. Ma fille Juline est venue visiter la chimio.Un moment émouvant pour moi et pour les infirmières aussi.

Je vais me marier en 2022 avec l’homme de ma vie (et ma chambre implantable !) rencontré au début de mon premier cancer après être séparée du papa de ma fille. C’est ça aussi le cancer : prendre des décisions pour soi, réfléchies, avec du recul.

Mon témoignage est long, pendant la maladie j’ai écrit par moment ce que je ressentais et mes brèves de chimio sur ces moments rigolos avec mes camarades, peut être un livre un jour, une association, etc…. L’après est un autre combat.

Gardez le moral, la tête peut vous emmener très loin, prenez les choses comme elles viennent, écoutez les docteurs mais surtout écoutez-vous !