Cette semaine, j’ai enfilé des bottines à talons, un petit pull douillet et un joli pantalon. Je me suis coiffée et maquillée puis je suis partie travailler pour ma première journée. Cette nouvelle victoire est à marquer dans ma croisade vers un avenir plus doux. Et même si, après quelques jours seulement, mon corps sent que c’est dur et fatigant, mon coeur tout entier est en train de se réveiller. Mais voilà, et oui, il y a un « mais voilà » quoi… Tous mes gentils collègues qui me découvrent souriante et pimpante me disent « bon retour parmi nous notre Valoo, nous sommes ravis que tu sois guérie ».
Ah mince, je ne l’avais pas vu venir celle-là. Non je ne suis pas guérie. Je vais devoir être patiente et accepter de croiser quelques jours « sans » en gardant à l’esprit que des jours « meilleurs » m’attendent pas loin d’ici.
Je crois ne jamais avoir écrit ce qu’est un jour « sans » pour moi. C’est probablement par peur de m’effrayer en lisant mes pensées. Mais aujourd’hui, je me sens prête à affronter ce démon, à lui montrer que même si je le laisse bien trop souvent me rendre visite, je sais le congédier et refermer la porte derrière lui. Un jour « sans », n’arrive jamais le matin. C’est la nuit qu’il fait son apparition en me sortant de mon sommeil par de mauvaises pensées. Il est vêtu d’un noir plus sombre que le noir. Il me parle de ma mort sans remord, me chuchote que ma place n’est peut-être plus ici, que je dois m’y préparer aussi. Il me montre mon corps et mon visage blancs allongés dans un cercueil élégant. Il me demande si j’ai pris toutes les dispositions pour mes petits et mon mari, si j’ai rédigé des lettres ou un testament. Comme je n’ai rien fait évidemment, je me mets à y penser, à formuler ce que j’ai envie de leur dire avant de partir. Je pleure de panique car j’hésite… Je les donne à qui mes escarpins? Et pour me faire comprendre que c’est une éventualité à ne pas nier, il me touche, me gèle chaque veine jusqu’à ce que je ressente ce froid mortel en moi. Il vient aussi titiller chaque partie de mon corps abîmé pour que je prenne conscience des dégâts irréversibles sur moi. Il ne s’agit pas que de mon sein droit, mais aussi de mes jambes, de mon bras, de mes doigts… Parce que c’est un poison, il me pose de douloureuses questions.
  • Existe-t’il un Kamasûtra de cancéreux pour aider ton mari à avoir encore envie ?
  • Comment fais-tu pour éviter les miroirs? As-tu envisagé de tous les supprimer ?
  • Mais ça existe les soutien-gorges pour des seins comme ça, un qui regarde en haut et l’autre en bas ?
  • Comment vis-tu cette culpabilité de faire souffrir tes enfants ? Ne devrais-tu pas envisager de les laisser vivre en liberté sans se soucier ?
Il refuse que je le reçoive en même temps qu’un ami. Il souhaite me parler en tête à tête sans risquer d’être démasqué par quelqu’un qui me voudrait du bien. Et comme il est arrivé par surprise, qu’il m’a fatiguée, je ne peux lui résister. Alors j’accepte ses remarques et ses conditions sans broncher. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que j’ai mon secret à moi.
Le « Jour Meilleur » va venir me sauver de lui. Je n’ai qu’à l’attendre en toute confiance sans trop réclamer son arrivée. Le jour meilleur me fait très vite oublier ce cauchemar noir et froid pour laisser place à de jolies pensées.
  • Une maman, même cabossée, est une maman aimante.
  • Une femme, même asymétrique, est une maîtresse sensuelle.
  • Une amie, même fatiguée, est une amie de confiance.
  • Une collègue, même pas encore guérie, est une collègue présente.
Je suis si fière de pouvoir écrire cette noirceur car elle est signe d’un grand pas pour moi et je crois que la reprise du travail y est pour beaucoup. Fatiguée je suis, Fière je me sens. Le Blog de ValooCroft