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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
Port à cathArtefactTu es revenu dans ma vie au détour d’un texte qui te nommaitJe t’ai vu, je t’ai lu, je t’ai reconnuJ’avais oublié jusqu’à ton nom.14 ans, pensez-vous, c’est assez long.Et là, au détour d’un texte qui ne parlait pas vraiment de toi , mais parlait de lui, cet autre blessé, tu as jailli de mon côté. J’avais eu l’audace de croire que tu y étais enfoui, à tout jamais.Tu m’as sauté à la mémoire, sangsue négligée.Je te croyais vaincu, annihilé, disparu.
Port à cath, tu n’as pas de définition dans le dico.Seul les initiés te connaissent par ton nom : ceux qui t’imposent et te posent ; ceux qui te reçoivent et en bavent.Seuls les initiés lisent ta trace sur ma peau, comme un signe de reconnaissance entre ceux qui savent.Je t’avais oublié dans les méandres de mon cortex. Toi, tu ne m’as pas oublié.
Putain de port à cath, tu étais enfui. Même ton nom s’était effacé de ma mémoire. Je te croyais aux rebuts des déchets hospitaliers, recyclé, décontaminé. Tu m’avais laissé une empreinte et je parle facilement d’elle. Dans les conversations, où l’on ose parler de « ça », ton marque me permet de dire ma maladie guérie. Je dis mon deuil, voie rocailleuse qui serpente du déni à une présence guérie, discrète et paisible. J’écoute la souffrance indicible des autres chauves.Même ta cicatrice ne me faisait plus souffrir. A peine sentais-je, les jours froids et pluvieux, ton imperceptible gravure.Ton utilité n’était plus, ton nom n’était plus. Je te nommais chambre avec une membrane.
Putain de port à cath, tu es revenu. Tu hantes mon écriture, alors, qu’elle devrait se tourner vers ce dossier urgent annonciateur d’une nouvelle tranche de ma vie. Toi aussi, tu inauguras une nouvelle tranche de vie, mais je ne t’avais rien demandé. Rien. Rien du tout.
Putain de port à cath, tu es durDur sous ma peauDur sous ma sensibilitéDur encore sous les années de guérisonDur encore pour d’autresPutain de port à cath, tu fais mal au cœur.
Je t’ai porté comme bijoux de soumission à la maladieJe t’ai porté comme chambre de passage entre la vie et la mortJe t’ai porté comme espérance de la victoireJe porte ton empreinte sur ma peau comme symbole de notre victoire sur la vie.Je porte ton empreinte, artefact, pour laisser s’écouler les mots de ceux qui te portent encore.