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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
Il y a un an et demi, j’avais 24 ans. J’avais une vie personnelle épanouie : une famille et des amis en or. Cela allait faire deux ans que je m’épanouissais au travail. Et je me trouvais belle. Bref, j’avais une vie que j’aimais sans avoir besoin d’en changer une virgule. Bon, ou presque. Puis, tout a basculé…
Septembre 2018 : Puis, une semaine avant mes 25 ans, on m’annonce que j’ai un cancer du sein. « Votre tumeur n’est pas bénigne ». J’étais entre le choc et l’angoisse. Je me concentre sur le triathlon qui s’impose dans ma vie : chimiothérapie, mastectomie, radiothérapie. A ce moment-là, je ne réalisais pas que cette épreuve allait impacter chaque parcelle de mon existence.
Octobre 2018 : première injection de chimiothérapie. On me remet un petit carnet qui parle des effets secondaires. « N° 1 : alopécie. Alopé-quoi ? Un mot élaboré qui signifie que je vais perdre mes cheveux. Probabilité : très forte. Quoi faire ? Port de perruque, turbans… ». Ok alors j’adore mes cheveux, je les ai toujours eus longs depuis mes 12 ans et ce sera bientôt du passé.
Et je vous passe la dizaine d’autres questions qui jaillit dans ma tête après la lecture de cet effet secondaire. Je me suis empressée de partir à la quête d’une perruque qui ressemblerait à l’identique à ma chère crinière et de turbans pour les moments où je ne voudrais pas m’embêter avec la perruque. En quelques jours, mes choix sont faits, je suis rassurée, je suis parée.
Novembre 2018 : j’ai déjà fait deux injections de chimiothérapie et je suis si fatiguée. Mon taux d’hémoglobine a nettement baissé, ceci explique cela.
Selon notre ami Wikipedia, l’hémoglobine est une protéine qui se trouve à l’intérieur des globules rouges et qui fournit l’énergie des processus biologiques essentiels à la vie.
Je travaille désormais en temps partiel thérapeutique : un jour par semaine au travail et un jour par semaine en télétravail. On est mardi. Je prends le métro, comme d’habitude, pour me rendre au boulot. Je porte ma jolie perruque, j’ai l’impression de me retrouver avec moi-même. Les autres ne peuvent pas savoir que je suis malade. Cela ne se voit pas. Je reste debout car il n’y a pas de place assise. J’hésite à demander à la personne la plus proche de moi de me céder sa place, car cela me coûte physiquement de rester trente minutes debout. Mais voilà, je n’ai pas envie de voir le regard gêné ou encore de pitié de l’autre. Je n’ai pas non plus envie de voir sur son visage ce que l’on m’a répété si souvent.
J’en ai marre de ce genre de réflexions maladroites qui ne m’aident pas du tout. Alors, je reste debout. J’arrive au travail déjà fatiguée mais je tiens le coup, car à cette époque, je ressentais le besoin de continuer partiellement à travailler, pour me donner l’impression que ma vie restait un peu « normale » et que ma situation n’était pas dramatique. Je dis bonjour à mes collègues, comme tous les matins.
Avec du recul, je me rends compte qu’il est si simple d’avoir l’air « bien » quand on est si « mal ». Cela m’a parfois fait plaisir, quand je voulais garder la vie insouciante que j’avais avant. Et parfois, j’avais juste besoin que l’on me demande « Mais comment ça va derrière tous ces artifices ? ».
Le lendemain : injection de chimiothérapie. J’enfile mon « look chimio » comme je l’appelle : basique et confortable. Je troque la perruque pour le turban. J’évite les miroirs au maximum. Je ne me trouve pas moche en étant chauve mais je n’arrive pas à apprivoiser cette nouvelle image de moi. Je ne me reconnais pas. Je pourrais remettre ma perruque et me trouver belle. Mais je n’en ai pas envie. Je préfère ne pas m’enquiquiner avec ces cheveux qui ne sont pas les miens, que je ne peux pas mettre en queue de cheval comme je l’aurais fait en temps normal, en journée de rendez-vous médicaux.
Le soir, je dîne avec des amies, dans un endroit proche de chez moi car elles ne veulent pas que je me fatigue. Quand je vous disais que j’avais des amis en or ! Je n’ai pas envie de me changer. La maladie pour moi c’est une alternance de moments où je veux me faire plaisir en me maquillant, me coiffant, m’habillant bien et d’autres moments où je préfère ne pas me maquiller, porter un turban et m’habiller relax car je n’ai pas envie de faire des efforts et que je me trouve très bien ainsi.
Mes amies me disent que je suis belle avec mon turban. Elles me le répètent souvent. Je ne sais pas trop si je suis d’accord, mais les compliments me font bien plaisir malgré tout. Le soir, en rentrant chez moi, je réfléchis à cette notion de féminité dont on nous parle si souvent. Perdons-nous notre féminité avec le cancer et ses traitements ? Et d’abord, la féminité, c’est quoi ?
Référons-nous à notre ami Wikipedia. La féminité est l’ensemble des caractères morphologiques, psychologiques et comportementaux spécifiques, ou considérés comme spécifiques aux femmes.
Je réalise ce que c’est, la pression sociale. Il faut avoir une corpulence taille mannequin, avoir aussi la tête mannequin tant qu’on y est, de beaux cheveux, deux seins aussi accessoirement. Le pompon. Au final, quand je sors en turban et que je me mets face à un miroir, je suis triste car je ne retrouve pas le style que je me donnais mais en aucun cas je me sens moins « femme ».
Aujourd’hui, après plus d’un an de traitement (et bientôt la fin !) : Avant, je mettais en avant mon apparence et en recul ma personnalité. J’avais parfois du mal à exprimer mes pensées et valeurs aux autres car je manquais nettement de confiance en moi. Désormais, mon apparence ayant changé, c’est le contraire. Je mets en avant ma personnalité et en recul mon apparence. Comme quoi, un cancer, ça change tous les aspects de notre vie. Cela modifie notre conception de nous. Pour soi. Pour les autres.
Carole, alias The Putsch Girls
https://theputschgirls.fr : le blog que j’ai créé pour partager cette sacrée aventure qu’est le cancer, et donner mes petites astuces pour vivre au mieux avec la maladie.
Bonjour Carole,
J’ai eu un cancer du sein à 33 ans. Et toujours là. Après cures de chimio, radiothérapie et 5 ans d’hormonotherapie, je suis devenue maman pour la première fois !
Ma féminité à moi c’était mon utérus, mes ovaires et les menstruations qui vont avec ! Quand on m’a annoncé qu’un cancer des ovaires n’était pas à exclure j’ai bien cru défaillir, c’était pire que l’annonce de mon cancer du sein. Et moi qui pensait avoir été forte jusque là !
Fort on l’est tous et toutes. Mais c’est aussi une force que de dire ce qui ne va pas, car après il faut pouvoir se relever et repartir au combat.
L’ avenir vous appartient Carole. Je suis persuadée que le meilleur reste à venir pour vous.
Je vous embrasse bien fort.