SOUS LA DENTELLE DES MOTS JUSTES

« De chaque chose naît son contraire et c’est dans le désarroi que l’on trouve parfois les plus belles raisons vivre » Yves Duteil

Octobre 2006, comme un peu partout dans la belle Province, c’est la symphonie des couleurs… La coloration des feuilles est à son paroxysme et la cueillette des pommes bat son plein dans le sud du Québec. Le cœur léger, je suis de retour au pays. Un an et demi auparavant tel un dernier salut quand le spectacle est terminé, je pris une importante décision : imposer à ma vie une longue parenthèse afin de pouvoir mettre un point final au tourbillon dans lequel j’étais aspirée depuis quelques années et qui à mon grand désarroi, se solda par la rupture de vingt années de mariage.

C’est donc à peine divorcée, le corps, le cœur et l’âme anéantis, que je décidais de retourner aux sources de ma vie. En foulant la terre de ma France natale, le temps m’apporta ce que j’étais venu chercher : une réconciliation avec la vie, une paix intérieure, le passeport d’une guérison définitive du corps et de l’âme auréolée d’une santé morale et physique. Cette longue pause m’aura permis de mesurer combien la vie reste un précieux cadeau malgré tous ces méandres qu’elle peut mettre sous nos pas et bien sûr qu’elle mérite que l’on se batte encore et encore pour elle.

Voici mon histoire …. « Tous ceux qui en font l’expérience un jour, au détour d’une épreuve douloureuse, découvrent l’incroyable puissance d’un regard, la déferlante d’un geste ou d’une parole, quand vous submerge la douce lumière des mots justes » Yves Duteil

18 mars 1996, j’ouvre les yeux.. Un majestueux bouquet de fleurs déposé à deux pas de moi sur une petite table. Je devrais être heureuse c’est le jour de mon 45ième anniversaire. Une larme coule sur ma joue… Du fond de mon lit, d’une chambre d’hôpital, plane dans mes yeux une infinie douleur… Je viens de subir une mastectomie, diagnostic cancer du sein. C’est le désarroi, l’horrible réalité… Que vais-je devenir ? La chimiothérapie et tous ses effets secondaires emboîtent le pas et dans cet enfer qui est le mien, je pense à mon jeune fils de 5 ans, et tous ceux que j’aime. Venu de je ne sais où, l’instinct de survie surgit en moi… Je fais alors la promesse de mener un combat sans merci, en puisant en moi toute l’énergie qu’il me faudra pour me convaincre que je survivrai malgré tout.

M’efforçant tant bien que mal de prendre soin de mon apparence, malgré les ravages de la chimiothérapie et de l’intervention chirurgicale, je reste coquette et souriante. Je surmonte cette douloureuse épreuve mais à quel prix me direz-vous ! Je cible un nouvel horizon afin de m’éloigner de ce triste épisode de ma vie en décidant d’amorcer un rêve que je caresse depuis longtemps… Toute une surprise m’attend car ce rêve va me permettre de découvrir une véritable passion : la peinture décorative sur bois qui donnera à ma vie une nouvelle dimension. Je m’y donne avec cœur et passion ! Alors que je renaissais doucement, emportée par mon art, à l’aube du nouveau millénaire, un autre cancer me prend par surprise… Ma vie chavire de nouveau. Je replonge dans la noirceur la plus totale… « Cette fois je ne serai pas épargnée » pensais-je. Mais je me trompais…

Avec cette force retrouvée en moi face à cette seconde épreuve, de nouveau l’instinct de survie se manifeste… Cette même petite voix me redit… « Tiens bon ma grande, sois courageuse, crois encore en toi, crois en Dieu, crois en tes rêves et tu gagneras de nouveau… » J’ai cru en moi, j’ai prié Dieu, j’ai rêvé encore plus haut et je fus exaucée… Non sans peine bien entendu… Cependant cette « victoire » je ne l’ai pas gagnée seule. Je la dois à tous ces gens qui proches ou lointains m’ont soutenue dans mon combat avec parmi eux, un être que je n’oublierais jamais et qui laissera dans ma vie, un souvenir impérissable… La crainte d’une troisième rechute me poursuivait, je ne pouvais me concentrer et je délaissais ma peinture. Je n’arrivais pas à reprendre le fil de ma vie… J’étais restée en suspens dans le temps, craintive, oppressée.

Alors un matin d’automne, au milieu de mes larmes, entre la vulnérabilité et la pudeur, je trempe la plume dans ma tourmente. Je déverse sur le papier mon « appel au secours » en écrivant à un auteur compositeur interprète que j’admire beaucoup pour son talent des mots justes. Deux semaines plus tard, celui que l’on surnomme « l’Orfèvre des rimes et des mots», Monsieur Yves Duteil me répondait. Ce fut une vraie révélation, tant je fus touchée par son geste délicat. Tel un antidote à mon désarroi, ce fut comme une main tendue que je n’attendais plus. Une nouvelle énergie m’enveloppa tel un manteau de douceur.

C’est ainsi que je retrouvais l’espoir, la confiance et la force qu’il me fallait pour me relever et avancer de nouveau. Pour remercier ce grand de la chanson française, je décidais de reprendre mes pinceaux après de longs mois afin de lui offrir une de mes plus belles réalisations, symbole de toute ma reconnaissance. Le 7 avril 2001, lors de sa tournée dans la belle province, je remettais en mains propres au chanteur mon présent, illustrant des enfants jouant dans la neige un soir d’hiver, dans un village de chez nous… « Une peinture dégageant une impression de paix et une lumière rayonnante » tel furent les mots du chanteur. Yves Duteil baptisa cette boîte… « Voici la boîte des secrets à garder, à cacher, à montrer, des moments précieux à partager avec les yeux du cœur ! »

Dans tout ce contexte, l’ébauche d’une nouvelle vie se dessinait, laissant poindre des horizons prometteurs qui m’emmenèrent entre autre à diverses expositions et le mérite de remporter, lors d’une manifestation culturelle, classée parmi les événements finalistes du Gala de l’Excellence du Haut Richelieu (Québec), un deuxième Prix du Public. Oui, vous avez raison Yves, nous avons tous en nous, hommes ou femmes, des forces insoupçonnées pour ouvrir ces portes secrètes et méconnues qui nous mènent vers la victoire et la guérison. Croire en soi, en ses propres ressources et ne cesser de rêver toujours plus haut… Ce sont bien là de belles raisons d’espérer. Et comme vous le dites si bien, quant à l’Amour, qu’il soit filial maternel ou fraternel, au cœur du couple ou simplement dans l’amitié est aussi un merveilleux remède, car toutes ces graines de lumière sont sans aucun doute une incomparable source de vie !

C’est donc de retour, dans ce Québec aux couleurs de l’automne que j’affectionne particulièrement et le bonheur indescriptible de retrouver mon fils et tout mon entourage, que je tourne mon regard vers l’avenir. Le corps et l’âme en paix, je m’applique désormais, d’être plus attentive à ce qui peut encore m’enrichir entre autre vers des liens privilégiés que sans un tel parcours, je n’aurais su reconnaître. Comme le dit si bien « l’Orfèvre des rimes et des mots »… comme si l’avenir devait germer dans les sillons du présent, il me devient désormais urgent d’y semer le meilleur ! Ces mois passés sur le vieux continent m’ont permis de remporter pour une seconde fois, un deuxième prix du public dans la région des Alpes de haute Provence et le privilège d’avoir été sélectionnée pour exposer mes œuvres en Italie dans le cadre d’un échange culturel entre les villes de Manosque (France) et de Voghera en Italie. Projet non réalisé car j’avais pris la décision de revenir au Québec… Le cœur à ses raisons que la raison n’a pas… « Chaque défi est un cadeau qui nous rend plus forts, plus conscients en définitif, plus vivants ! »

QUAND LES MAUX PRENNENT LE CHEMIN DES MOTS

A force de courage et d’espoir, mon existence était redevenue un fleuve tranquille mais en cet automne 2012, cette saison où tout est mis en lumière, ma vie bascule à nouveau. L’impitoyable renaît… On m’annonce que je suis confrontée de nouveau à un cancer du sein. Je suis accablée, la nouvelle est cruelle. Ce que je croyais pourtant si loin de mon passé tumultueux est soudainement si proche. Inévitablement, je pense à ma grande sœur, mon amie, ma « jumelle », ma confidente… Disparue il y a trois ans pour la même raison dans des circonstances désespérantes. En quelques secondes le film tourne à l’envers… Une impression nette de revenir à la case départ… Le vide se creuse devant moi. Un sentiment que je n’avais jamais ressenti jusqu’à présent m’envahit. Au plus profond de mon être, je suis convaincue que je ne survivrai pas à ce troisième cancer. Je ressens l’abandon et l’acceptation. Si tel est mon destin… J’irai là où il me portera… La mort ne me fait plus peur… Je me dis qu’elle nous attend tous au détour d’un chemin et mon heure est peut-être arrivée, d’autant que, sans le moindre doute, je sais que ma sœur m’attend là-haut… Elle m’a tant guidée et conseillée dans la vie… Elle me montrera le chemin quand je fermerai les yeux à jamais !

Mais la route que l’on croit devoir prendre n’est pas nécessairement toujours la bonne. Je ne dois pas désespérer ainsi, me dit on… Il est vrai que les difficultés de la vie sont une invitation à la conscience qui nous met au défi de dépasser notre pensée limitée. Je prends donc une pause pour me donner accès à d’autres réflexions. Je prends le dessus de mon esprit et je le canalise vers l’issue que je souhaite le plus… M’en sortir et guérir encore une fois. Alors commence une course contre la montre… Il faut faire vite ! Avec sagesse, je décide de faire confiance au corps médical pour subir toute une batterie de tests et supporter la longue attente des résultats complémentaires… Je fais le point avec les médecins, je relativise de plus en plus… Tout en gardant à l’esprit que personne n’est maître de son destin, même si l’on est inversement le chef d’orchestre de notre propre Bonheur ! Finalement mon bilan de santé est excellent. J’apprends que le cancer est là, bien localisé et sans aucune métastase… Une lueur d’espoir semble éclairer le bout du tunnel que je suis entrain de traverser… Pour cela je dois subir une seconde mastectomie totale radicale, ce sera le prix à payer si je veux survivre encore une fois. Je prends peu à peu conscience que j’ai une chance de m’en sortir… Je mets la mort au rancart… Et je relève la tête… Décidée de me battre coûte que coûte !

Au-delà de ses bienfaits, je connais les ravages de la chimiothérapie, et pour de multiples autres raisons personnelles, je renonce à celle-ci, je décide de me battre à mains nues… Avec pour seul soutien, l’hormonothérapie. Je suis convaincue de prendre la bonne décision. Finalement les professionnels de santé approuveront ma décision quelques jours plus tard. J’ai la foi et je sais qu’elle peut être entendue. Mon cri est plus qu’un espoir, il est une prière ! Je retrouve ma fougue. Je veux continuer de renaître du désespoir, je veux me laisser orienter par cette force de courage qui m’habite à nouveau, pour pulvériser ce mal en moi afin de pouvoir continuer de vivre cette vie qui nous est seulement prêtée.

Fermement résolue et ancrée dans cette réalité, c’est ainsi que je reprends le fil de ma vie, en ce début d’année 2013. Une bataille à livrer avec une attitude positive tout en acceptant mon regard sur l’atteinte irréversible de ma féminité en sachant que mes épreuves me garderont humaine et mes échecs humble. Ironiquement, je n’oublie pas que le cancer aura été aussi pour moi, une sorte de « cadeau « il m’aura permis de découvrir l’Art de la peinture décorative sur bois qu’à ce jour je pratique encore. C’est en effet à travers ma peinture que j’ai pu donner du lest à toutes mes angoisses, mes joies et mes désillusions ! Quel merveilleux antidote !

Quelles que soient nos tragédies… Ne nous donnent-elles pas, qui que l’on soit, un nouveau regard sur la vie ?… Sur notre vie ?