Invité d’honneur du 3ème Congrès francophone sur le répit et l’accompagnement des aidants, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a rappelé que s’occuper de l’autre était un facteur de croissance. Morceaux choisis.

« Pourrait-on se permettre de ne pas aider l’autre ? ». Telle est la question. Pour y répondre, le psychanalyste, directeur de l’enseignement Attachement et système familiaux à Toulon et Mons en Belgique, auteur de nombreux ouvrages, s’est notamment appuyé sur la neuro-imagerie. « On sait que ceux qui ont été abandonnés affectivement, privés d’altérité lors de leurs jeunes années en portent la trace dans leur cerveau, dont certaines zones sont atrophiées.

Mais dès que l’environnement est structuré et organisé, le cerveau recommence sa construction, les neurones se développent et cela se remet en place en 24/48 heures : c’est ce qu’on appelle la résilience neuronale. Qu’on le veuille ou non, l’autre c’est beaucoup plus qu’une présence, c’est une stimulation de notre cerveau. J’ai besoin de l’autre pour devenir moi-même ». 

Quand on a un proche en situation d’être aidé, on doit faire un choix : l’aider ou poursuivre son chemin. Pour le spécialiste de la résilience, la mise en place d’une stratégie pour les proches aidants est donc un enjeu sociétal, politique, pour structurer la solidarité, le répit et ainsi lutter contre l’usure de l’âme. « Avec le vieillissement de la population, il faut inventer un pacte social de solidarité : aider l’autre pour être aidé demain. J’ai intérêt d’aider l’autre pour me sentir bien ou le moins mal possible. Sinon, cela peut me couter cher, en entraînant de la honte, de la culpabilité, jusqu’à des comportements d’auto-punition, d’échec inconscient ».

Ainsi donc le proche aidant serait à la fois un facteur de protection et un tuteur de résilience. Mais il ne peut aider seul, sans garde-fou, sans soutien, sans respirations, sans répit, sans ressources solidaires. « Sinon il plonge et ne peut plus aider. Il y a un rythme naturel qu’il va falloir découvrir ».

Attention néanmoins au risque de se perdre dans l’aide, de ne plus compter pour soi. « L’usure dans l’accompagnement au long cours des maladies chroniques risque d’épuiser si l’on ne met pas en place un répit structuré, organisé, pour respirer, se ressourcer. Sinon on se met sur le tapis-roulant du burn-out et de la dépression ».

Et de conclure non sans humour : « L’enfer c’est les autres. Sans les autres c’est la mort. Avec les autres c’est l’enfer. Débrouillez-vous avec ça ! ».

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