Atteinte d’un cancer du sein en 2021, la diététicienne-nutritionniste Solveig Darrigo-Dartinet livre son double regard de patiente et professionnelle de santé. Découvrez ses conseils nutritionnels et recettes gourmandes, adaptés à son parcours de combattante et de marathonienne.

Je n’ai vu personne durant mes séjours à l’hôpital.

Comme Socrate l’affirmait en son temps, « l’alimentation est la première médecine ».  Estimez-vous qu’elle a la place qu’elle mérite dans le suivi des patients ?

Solveig Darrigo-Dartinet : Non, malheureusement ! J’ai même été surprise que la nutrition ne soit pas plus présente dans les soins. C’est même la cinquième roue du carrosse ! Pourtant, c’est un processus très médicalisé. Bien que diététicienne de formation, j’avais moi-même des questions mais je n’ai vu personne durant mes séjours à l’hôpital. De nombreux patients demandent à rencontrer des diététiciennes mais il y a une réelle pénurie. Nos seules interlocutrices, les infirmières, n’évoquaient que des soins de support tels que l’acupuncture, l’hypnose et la sophrologie. Niveau nutrition, leur unique conseil était : « mangez ce que vous voulez quand vous le voulez ». Je suis d’accord, il faut s’écouter mais pas manger n’importe quoi non plus ! En tant que professionnelle et surtout patiente, ce manque d’information m’a déçue.

Pour vous, quelle serait la priorité du suivi nutritionnel lorsque l’on démarre les traitements ?

La priorité est d’éviter la dénutrition et une perte de masse musculaire car les traitements, lourds, entraînent des effets secondaires tels que la fatigue et le manque d’appétit. Très vite, on manque d’énergie et on a un risque de carences (vitamines, minéraux). D’ailleurs, dès le premier mois, j’avais perdu du poids. A chaque bilan c’était le stress de la pesée ! Une perte de poids trop conséquente joue sur l’immunité et peut différer la séance de chimiothérapie et nuire au suivi des traitements.

Plutôt que la balance, il faudrait privilégier l’impédancemétrie.

Pourtant, on ne donne aucun conseil pour reprendre du poids ! Pire, on ne mesure pas la perte de masse musculaire donc certains prennent du poids mais fondent en muscle… Plutôt que la balance, il faudrait privilégier l’impédancemétrie. C’est-à-dire mesurer les éléments essentiels de la composition du corps, tels que le niveau d’hydratation global, l’équilibre hydrique extra et intracellulaire, la masse cellulaire active, la masse protéique, les minéraux et la masse grasse. 

Entre les chimios, les médicaments et la fatigue, lorsque l’on est atteint d’un cancer, quel est notre rapport à la nourriture ?  

Personnellement, c’est ma famille qui m’a sauvée

C’est compliqué. Souvent les nausées nous coupent l’appétit mais il faut se forcer à manger. Seule, je n’aurais pas cuisiné mais ils ont fait comme si je n’étais pas malade en continuant à me demander chaque soir : « Solveig, qu’est-ce qu’on mange ? ». Le problème, c’est que l’on ne peut pas non plus tout manger. Il y a des aliments que l’on ne supporte plus à cause de leur acidité et/ou des odeurs. A la maison, je repensais mes menus en fonction de ces contraintes mais à l’hôpital, ce n’était pas le cas. Les plateaux repas ne sont pas du tout adaptés. Lorsque l’on sert du bœuf froid à des personnes qui ont un goût métallique en bouche et des nausées, pas sûr qu’elles en raffolent. 

Grâce à votre métier et à votre passion pour le sport, vous aviez depuis longtemps une très bonne hygiène de vie. Le fait d’être malade a-t-il encore changé certaines choses ?

Je ne vis plus dans l’urgence. Il y a beaucoup moins de choses importantes et je relativise beaucoup plus.

La maladie a bouleversé mon quotidien pendant presque deux ans, forcément ça laisse des traces ! Au niveau de l’alimentation, pas d’énormes changements même si je suis encore plus vigilante sur les cuissons. Mieux que la vapeur, j’utilise la cuisson « basse-température » ! Elle peut se faire tout simplement au four, mais le must, c’est d’utiliser des cocottes spécifiques avec couvercle « thermo-contrôle » pour ne pas excéder les 60-90°C.

J’essaie également de remplacer tous les plastiques par des bocaux pour éviter les risques liés aux perturbateurs endocriniens. Cependant, la principale évolution s’observe dans ma manière d’être. Ça me permet de prendre du temps pour moi. Je m’accorde des pauses comme celle de 14 à 15 h, durant laquelle je m’assois dans le fauteuil que l’on m’a offert pour mes 50 ans et je feuillette mes livres de recettes…

La maladie a fait évoluer la femme mais a-t-elle aussi changé la diététicienne ?

Face à la pénurie de diététiciens et la très forte demande des patients, j’ai décidé de reprendre les consultations.

J’ai très vite voulu témoigner de mon expérience et donner des conseils. Pensant que je pouvais apporter quelque chose sur le plan des recettes, j’ai d’abord pensé à un livre. Mais face à la pénurie de diététiciens et la très forte demande des patients, j’ai décidé de reprendre les consultations. J’ai suivi une formation en oncologie pour répondre le mieux possible à leurs besoins, quel que soit le stade de la maladie. Ce n’était pas du tout ma vocation après dix-huit ans d’arrêt en cabinet mais il y a trop de personnes abandonnées. Je veux les accompagner comme j’aurais aimé qu’on m’accompagne. 

Propos recueillis par Lucie Deschamps et Céline Dufranc

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