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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
C’est d’une voix souriante que « Valoo » raconte à Chaîne Rose son histoire intime avec l’écriture à l’annonce de son cancer du sein. Plus combative que guerrière, l’élégance et la douceur est sa quête permanente.
Propos recueillis par téléphone en mars 2020
Mes enfants avaient 6 et 9 ans. Nous étions sur un projet d’un troisième enfant, mais en août 2010 j’ai fait une fausse couche et autour de Noël, en croisant les mains j’ai senti une boule sur le côté du sein droit. Le médecin m’a dit « ah ça ce sont les hormones, à cause de la fausse couche, mais on va quand même faire une mammographie. »
Comme je n’étais pas certaine de ne pas être à nouveau enceinte, on m’a fait une échographie durant laquelle le radiologue a identifié quelque chose de suspicieux et a considéré qu’il fallait faire une biopsie. J’ai eu les résultats après 3 semaines : j’avais un cancer du sein carcinome infiltrant, hormonaux dépendant, de grade 3. Entretemps j’ai effectivement constaté que j’étais enceinte…
J’ai enchainé pendant une année : opérations (tumorectomie et curage axillaire), chimio, radiothérapie. J’ai pris la décision de ne pas suivre le traitement d’hormonothérapie, je n’avais pas du tout fait le deuil de ce projet de troisième enfant, on m’avait menti au départ en me disant que si je me faisais avorter ce n’était pas grave, et que l’on m’accompagnerait pour faire un bébé après les traitements. J’ai découvert après que c’était totalement faux, j’étais fâchée avec le monde médical, avec une grande envie de retrouver ma vie normale. J’ai repris le travail ainsi que ma vie là où elle s’était arrêtée un an plus tôt.
J’ai fait tranquillement mon deuil de troisième enfant, à mon rythme, en deux ans, j’avais beaucoup de soucis gynéco donc on a procédé à la ligature des trompes l’année de mes 40 ans, avec un point final sur le projet.
J’ai vécu la maladie comme une parenthèse, quelque chose qui allait s’arrêter aussi vite qu’elle avait commencé. L’écriture se passait de la même façon : j’ai écrit toute l’année 2011 et je n’ai rien partagé, juste avec une amie à qui j’envoyais mes textes et qui me faisait des retours sur ma qualité d’écriture. Elle me relisait, me coachait et me poussait à partager, mais je n’étais pas du tout dans cet état d’esprit.
Avec du recul, mon entourage me soutenait et trouvait que j’avais super bien géré, un peu comme si j’avais eu une grippe !
J’écrivais avant dans mon coin, je n’avais pas envie de parler à un psy mais j’avais quand même un travail à faire, je l’ai fait par le biais de l’écriture qui était thérapeutique pour moi.
Je n’écris pas vraiment mon histoire, j’écris des moments que je ressens, ce sont des étapes, des émotions, c’est pour ça que je parle des « chroniques d’une croisade », ce sont des articles en quelque sorte. On comprend mon histoire mais je reste néanmoins pudique.
Le blog s’est fait sans moi ! Quand j’ai annoncé ma récidive en 2018, mon amie Caroline m’a dit « que vas-tu faire de ton temps ? » je ne sais pas comment mais j’avais envie de faire de la photo, d’écrire et d’associer les deux – la photographie est ma passion !
Elle m’a offert un carnet d’écriture et j’ai commencé à lui envoyer les photos de mes carnets. C’est elle qui m’a ouvert le blog qui resta privé quelques temps. Au bout de 5- 6 textes elle m’a encouragée à le partager au moins à mes proches parce qu’elle estimait qu’il donnait beaucoup de clés sur comment on pouvait m’aider à traverser l’épreuve. « Quand tu parles de ton cancer, c’est avec tellement de légèreté que l’on n’a pas cette profondeur que l’on trouve dans tes textes. »
J’ai finalement partagé à ma famille et quelques amis et tout le monde m’a dit « ce que tu écris est grand public, aide d’autres personnes, ne fais pas qu’aider ton mari ! »
Il est vrai que ce sont des textes que l’on peut lire pour soi, pour d’autres sujets, et qui peuvent faire avancer.
Le blog est public depuis mai 2018 et c’est à ce moment-là que j’ai connu Chaîne Rose et Mon réseau Cancer du Sein. J’aime Chaîne Rose parce que ce sont des témoignages très libres, parfois courts, c’est un site ressourçant qui apporte de l’énergie, on n’a pas besoin de s’expliquer ou de se justifier, c’est simple parce qu’on a les codes de la maladie.
Je suis assez contente car je suis très suivie j’ai entre 7 et 10K vues par mois et un peu plus de mille abonnés et quand Chaine Rose me publie j’ai un pic d’audience !
Une fois que c’est écrit c’est traité, c’est réglé. Même si je mets des mots sur des choses douloureuses et qu’on en verse une larme à me lire, on a quand même pris de l’énergie. Je pense que ce qui est perçu est que c’est dur au moment de l‘écriture, mais comme je l’ai écrit et partagé, c’est positif.
Ça va mieux en le disant et j’ose dire les choses ! Ceci est malgré moi, ce n’est pas calculé.
On avance de mille manières différentes, parfois en rampant, mais prendre le temps de bien regarder devant soi est un élément guérisseur pour moi.
Mon blog et mes photos sont mes outils thérapeutiques pour avancer, aujourd’hui chaque article est une étape pour moi.
A un moment la vie n’a pas été vraiment tendre avec moi alors la Croisade veut dire qu’il y a plein d’étapes de recherche vers du plus doux, du plus tendre. Un mouvement pour aller au-devant de quelque chose de meilleur pour moi.
Valérie Legrand alias Valoocroft
45 ans, mariée,
2 enfants : Gaspard 18 ans et Bertille 15 ans,
Psychologue de formation, directrice adjointe d’un site industriel après un grand parcours dans les Ressources Humaines.
Blog : Chroniques d’une Croisade vers un avenir plus doux
Association : Les roses poudrées
Profil Instagram : valoocroft