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« Témoigner procure du sens à sa propre existence et permet à d’autres d’en tirer avantage. »
Philippe Bataille, sociologue
Profitons de Septembre turquoise, mois de sensibilisation à la lutte contre les cancers gynécologiques, pour donner la parole à Gwendoline Hamon et Coralie Marjolet, deux des piliers de l’association IMAGYN. Une sororité aussi douce qu’active. Une rencontre rare, autour d’un combat de femmes pour les femmes. Deux femmes qui ont vu la maladie de près. Et ont transformé l’épreuve.
Un incroyable regard vert. Une émotion à fleur de peau. Une énergie débordante. Un sourire qui donne des ailes. A l’image de son rôle de commissaire dans Cassandre, la série de France 3, Gwendoline Hamon est une guerrière qui ne lâche rien. Il y a quelque chose d’Antigone en elle : détestant l’injustice, elle multiplie les combats pour un monde meilleur. Depuis quelques temps, la jeune femme s’occupe d’un Guinéen et d’un Tchadien qu’elle a aidés à obtenir un titre de séjour et une formation. Autre combat qui lui tient particulièrement à cœur, la prévention des cancers gynécologiques. Sa mère, Caroline Anouilh, a été emportée par un cancer foudroyant du col de l’utérus. Une immense blessure qu’elle raconte dans « Les dieux sont vaches »1. Et qui l’a tout naturellement conduit à devenir la marraine de l’association IMAGYN, la première association de patientes atteintes de cancers gynécologiques et de proches en France, créée en 2014. Avec Coralie Marjolet, sa dynamique présidente, elle se démène pour que ces cancers de l’intime ne soient plus tabous et que l’on aille toutes se faire dépister !
Chaîne Rose : Gwendoline, vous êtes très impliquée dans l’association IMAGYN. D’où vient cet engagement ?
Gwendoline Hamon : Ma mère est morte d’un cancer du col de l’utérus dû à un HPV2 il y a 13 ans. En 69 jours. Elle avait 58 ans. Quand on sait que c’est un cancer évitable si l’on réalise un frottis régulièrement… Malheureusement ma mère n’avait pas vu de gynéco depuis trois ans. Il n’y a pas un cancer qui soit joli mais elle a vécu l’enfer. Je ne l’ai vraiment pas vu venir… Elle n’en parlait pas, comme si c’était moche. Elle n’avait plus de reins. Très mal au dos. Des saignements. Elle ne s’est pas écoutée. Avec la ménopause, hypra taboue, plus de règles, plus de vie sexuelle : on ne se surveille plus ! On se laisse un peu aller dans la séduction. On ne s’occupe plus de ce qui se passe en bas. Et c’est justement là que ça peut être le plus dangereux et le plus grave. Depuis la nuit des temps, les femmes protègent leurs enfants, leur famille, leurs hommes mais elles ne sont pas assez bienveillantes envers elles-mêmes.
GWENDOLINE HAMON
Quand on a un doute, quand on souffre, au-delà de trois semaines, on est en droit de réclamer un examen gynéco ou une échographie si cela doit nous rassurer.
CR : Vous trouvez que les femmes négligent leur santé ?
GH : Quand elles ont mal au ventre, elles vont voir leur généraliste. Un antispasmodique et hop ! Quand elles reviennent un mois après avec des douleurs atroces, on commence à peine à s’intéresser au pelvis. Et c’est trop tard. Je ne suis pas une donneuse de leçons mais quand on a un doute, quand on souffre, au-delà de trois semaines, on est en droit de réclamer un examen gynéco ou une échographie si cela doit nous rassurer. Au même titre que nos seins, c’est une partie hyper fragile, de la muqueuse, non ? Il faut prendre notre corps en considération, de la tête aux pieds, et cela, à tout âge ! Certaines diront qu’elles n’ont pas le temps ! Mais quel temps leur restera-t-il si on leur découvre un cancer gynéco en stade 4 ?
Coralie Marjolet : C’est d’autant plus rageant que l’on pourrait sauver de nombreuses vies. Le cancer du col est une maladie que l’on peut prévenir par la vaccination contre le virus HPV, dépister très facilement par la pratique d’un frottis, traiter et guérir le plus souvent. On sait que de nombreuses femmes échappent à un suivi gynécologique, et ne font pas de frottis. Mais on ne doit pas s’y résoudre ! La mise à disposition de tests HPV sur auto-prélèvement vaginal dans les pharmacies permettrait de renforcer le dépistage du cancer du col de l’utérus et la détection de lésions précancéreuses. Lésions qui peuvent se transformer en cancer si on ne les retire pas. Et quand on a déjà subi une conisation, outre le fait que ce n’est pas une partie de plaisir, cela peut être plus compliqué d’avoir des enfants ensuite.
CR : Concernant la vaccination contre le HPV, où en sommes-nous en France ?
CM : Nous sommes très en retard. Plus de 40 pays vaccinent (la population éligible, c’est donc variable selon les pays filles et garçons) : 80 % en Suède, 86 % au Royaume uni, 87 % au Portugal et seulement… 32 % pour la France. En Australie, où l’on vaccine les enfants à l’école, le cancer du col n’existe quasiment plus. N’oublions pas que les papillomavirus sont aussi impliqués dans d’autres cancers : les cancers ORL, les cancers de la vulve, du vagin, du pénis. Et que la vaccination protège aussi de ces cancers-là. Il faut vraiment se mobiliser et utiliser tous les moyens pour vacciner les filles ET les garçons : centres de santé, sage-femmes, infirmières libérales, pharmaciens… De 11 à 14 ans révolus, il faut deux doses, et trois doses entre 15 et 19.
CR : Selon vous, quels sont les freins ?
GH : La peur. C’est quand même assez français, la peur des vaccins et de leurs effets secondaires ! Pourtant, on protège nos enfants de la polio, de la diphtérie… Si on ne les avait pas fait vacciner, il y aurait des milliers de morts dans le monde. Pourquoi cela ne ferait-il pas partie du calendrier vaccinal ? C’est très important d’informer nos enfants. De parler de sexualité. Même si c’est difficile, il faut parfois mettre les pieds dans le plat pour leur sauver la vie. Quand j’ai expliqué à mon fils Gabriel comment le HPV se transmettait et que potentiellement, il pourrait avoir un cancer du pénis, il s’est fait vacciner.
CM : Le vaccin n’est pas assez proposé par les médecins qui craignent d’être face à un refus. Quand c’est proposé, les parents l’acceptent dans 60% à 70% des cas : ce n’est pas suffisant. Il faut leur donner toutes les explications. Cela fait 22 ans que ce vaccin est étudié. Des centaines de millions d’adolescents ont été vaccinés dans le monde. Le bénéfice est indéniablement supérieur au risque.
CORALIE MARJOLET
Chaque année en France, plus de 15 000 femmes sont touchées par un cancer gynécologique (cancer de l’ovaire, de l’endomètre ou du col de l’utérus) aux symptômes peu visibles.
CR : Informer, sensibiliser…, c’est l’une des principales missions d’IMAGYN. En témoignent vos formidables campagnes de communication et spots TV où des femmes célèbres déclamaient des « petits mots » comme « abricot », « berlingot » ou encore « l’origine du monde » pour parler de leur intimité.
CM : Comme le disait notre ancienne présidente bordelaise Brigitte Massicault, aujourd’hui disparue, c’est bien que l’on parle aussi « des cancers du rez-de-chaussée, et pas seulement des cancers du premier étage ! », c’est-à-dire les cancers du sein. Car chaque année en France, plus de 15 000 femmes sont touchées par un cancer gynécologique (cancer de l’ovaire, de l’endomètre ou du col de l’utérus) aux symptômes peu visibles, entraînant 8000 décès. Ce qui doit nous convaincre d’aller voir régulièrement son gynécologue. Même après la ménopause.
CR : S’il est possible de prévenir le cancer du col de l’utérus, quand on diagnostique un cancer de l’ovaire, c’est souvent malheureusement à un stade avancé. Vous militez pour que les femmes soient davantage pro-actives ?
CM : C’est un cancer silencieux, insidieux mais il est possible de le détecter plus tôt, en stade I ou II, pour pouvoir le prendre en charge, en étant attentive à certains signes. Quand on a des troubles intestinaux ou urinaires, de la constipation, que ce n’est pas comme d’habitude et que cela persiste plus de 3 semaines, il faut aller consulter rapidement son généraliste, une sage-femme ou un gynécologue. Un cancer de l’ovaire sur deux pourrait être détecté s’il y a des symptômes au moment d’une échographie endovaginale.
Il faut libérer la parole, car la vie intime, ce n’est pas secondaire.
coralie marjolet
CR : Ces cancers, et leurs traitements, ont souvent des conséquences sur la qualité de vie et l’intimité des femmes. Comment les accompagnez-vous ?
CM : Il faut libérer la parole, car la vie intime, ce n’est pas secondaire. C’est pourquoi l’association vient d’éditer un livret sur la sexualité, avec de « vraies » solutions pour faire face à la sécheresse vaginale, reconquérir progressivement sa sexualité, s’aimer de nouveau et être aimée. Autant de sujets que l’on évoque aussi au sein de Cocon, notre petite maison itinérante, ou les Cafés Imagyn, en plus des tchats et des webinaires.
CR : Quels sont vos projets ?
CM : Poursuivre notre combat pour les femmes. Les inciter à parler avec quelqu’un qui traverse ou a traversé la même chose. Leur permettre de bénéficier des meilleurs traitements, des meilleures études scientifiques et d’informations validées.
GH : Continuer avec ces formidables guerrières. Faire vivre ma mère en moi, éternellement.
EN SAVOIR PLUS SUR IMAGYN ASSO :
Propos recueillis par Céline Dufranc pour Chaîne Rose
1Les dieux sont vaches
« C’était grave. Je l’ai ressenti dans ma chair. Maman avait changé d’odeur, changé de corps, changé de tronche. Elle était allongée à cinquante-huit ans comme une momie, maigre comme un petit oiseau sans plumes. Elle avait l’air d’avoir vingt ans de plus. Seuls ses yeux verts, vertigineux, étaient intacts. Les plus jolis du monde, comme une preuve que c’était bien elle. — Mais qu’est-ce que tu fais dans ton lit, maman ? Il est 13 heures ! — Oh, j’ai été jugée toute ma vie, alors je ne réponds plus aux questions qui m’emmerdent. J’ai des problèmes de vertèbres, L3-L4. Tu sais que j’ai le dos en miette depuis le temps, ou alors tu n’écoutes pas ! — Mais si tu as mal au point d’être couchée, il faut peut-être que tu voies un médecin. Tu veux que j’appelle mon ostéo ? Qu’est-ce que tu as à la bouche ? Elle est toute fendillée. — Ah, non je ne veux pas de médecins qui font crever. Ils ont tué papa et maman. Moi, ils ne m’auront pas ! Si tu es venue pour me gonfler avec tes docteurs, tu repars tout de suite. Je suis coupée en deux, paralysée. Maman m’agresse, ce qui ne m’étonne pas plus que cela, mais l’atmosphère me semble étrangère ; quelque chose a changé. Je pressens le pire, mais rejette immédiatement mon inquiétude. Je veux être positive. Je suis une positive, une positive angoissée, mais une positive. » Extrait, Ed Le Livre de Poche
2également appelés papillomavirus, les HPV sont les infections sexuellement transmissibles les plus fréquentes dans le monde. Elles se transmettent par contact, peau, muqueuse, serviette de bain… et sont responsables de 6300 cancers par an tous sexes confondus : 3000 du col de l’utérus, 1500 ORL (gorge, langue, larynx), 1500 de l’anus et 300 de la vulve, vagin, pénis.